Dans un décor de studio sombre propice à faire naître les histoires les plus noires, des citoyens sont affolés. Ils cherchent celui qui a commis l'un des pires crimes : tuer un enfant. Les avis de recherche avec fortes récompenses se chevauchent sur les poteaux, la police est sur le qui-vive, la paranoïa touche son paroxysme. Même les malfrats et autres voyous considèrent que le meurtrier est littéralement l'homme à abattre. Et pourtant il frappe, ce fou aux yeux écarquillés de démence. Un ballon, un bonbon, un sourire et le petit chaperon tombe dans la gueule du loup.
La scène d'introduction est à ce titre édifiante. Alors que les enfants chantent ce qui s'apparente à une comptine faisant directement référence à leurs bourreaux avec une innocence et un non recul écrasant, leurs mères vivent dans la peur. Mais elles préfèrent entendre un enfant se moquer du loup plutôt que ne pas l'entendre du tout. Et ce qui devait arriver arriva. Dans un silence terrassant. Fritz Lang frappe lui aussi, tel l'assassin de notre innocence, avec une noirceur inégalable. Mais il choisit de ne pas se concentrer sur son tueur mais plutôt sur l'entité urbaine qui va le prendre en chasse. Après avoir fait preuve d'une grande sécheresse dans sa mise en scène avec l'introduction, il filme deux réunions que tout oppose et pourtant liées par un même objectif avec une fluidité stupéfiante, alternant de l'une à l'autre comme si elles se déroulaient dans la même pièce, profitant d'un mouvement de personnage ou de caméra pour créer une transition peu perceptible. Une véritable leçon de mise en scène où gestion de l'espace et mouvements s'allient parfaitement.
Derrière c'est la traque qui s'organise et après de grands moments de suspense, celui qui désormais porte un M sur son manteau doit faire face à ses bourreaux. Il n'y aura pas d'exécution physique. Elle sera psychologique. Dans une scène à vous rendre malade tant elle met mal à l'aise, le tueur hurle son combat perdu d'avance contre une maladie mentale qui le dévore de l'intérieur. Devant une foule accusatrice prête à lui sauter dessus. On en vient presque à avoir pitié de ce démon insensé. Cette prodigieuse scène clôt un long-métrage à la puissance saisissante dont le thème n'aura pas été traité avec le dos de la cuillère par Lang. Et c'est particulièrement dommage que la maîtrise du rythme ne fut pas alors l'un des points forts du cinéaste. Il y a de très grands moments dans ce film mais ils ne s'enchaînent pas forcément de la plus vivante des manières. C'est le seul point regrettable d'une oeuvre légendaire à juste titre.