Xavier Dolan... Petit gars prometteur que j'ai repéré dès son premier film, J'ai tué ma mère, une temps que les moins de 10 ans ne peuvent pas connaitre, lorsque Xavier était inconnu en France et qu'on se rappelait de lui au Québec pour les publicités dans lesquels il avait tourné lorsqu'il était gamin. Quel coup de poing que ce film, malgré ses maladresses que l'on pardonnait aisément à ce jeune acteur réalisateur de 19 ans, doué et charismatique. Son 2ème film, épreuve souvent fatale, a montré qu'en plus d'être sensible et frontal, il était capable de maîtriser tous les aspects du métier de cinéaste : direction d'acteur, cadrage, montage, costumes, bande originale impeccable, justesse pour raconter comment l'on peut être trompé par la séduction. L'eau a coulé sous les ponts depuis : Prix du jury à Cannes pour Mommy, le cinéma français à ses pieds et Hollywood qui lui déroule le tapis rouge. Qu'est devenu l'enfant génial de Montréal, au centre de ce star system qui l'encense et qui l'admire ?


La bande annonce de Ma vie avec John F. Donovan m'a intrigué. Envie d'en savoir plus mais étonné d'apprendre que Xavier Dolan en était le réalisateur, je n'avais pas reconnu sa griffe en voyant la bande annonce. Déception sur toute la ligne, donc, comme en témoigne le titre de mon article : le film m'a paru inutilement long, je me suis souvent ennuyé, je n'ai pas aimé la manière dont c'était filmé, notamment ces gros plans qui s'éternisent sur le visage larmoyant des personnages. Le film frôle parfois le mélodramatique et le pathos, au détriment d'une émotion simple. Le choix des chansons n'aide pas : hits tapageurs qui m'ont assourdi les oreilles, c'est à coté de la plaque selon moi.


Le film manque de justesse. Le sujet aurait gagné à être raconté plus simplement : un jeune acteur prisonnier d'un système qui le pousse, pour protéger sa carrière, à mentir sur sa sexualité à son public (cela rappelle un peu Ma vie avec Liberace) et à trahir l'un de ses plus grands fans, un petit garçon dont il niera avoir entretenu une correspondance pour éviter une polémique. Le film manque de simplicité, avec ses allers retours incessants entre le point de vue du petit garçon, le point de vue du petit garçon devenu adulte et le point de vue de John Donovan, au détriment de l'émotion (encore une fois, la bande originale n'aide pas). Je n'ai pas réussi à ressentir de l'empathie pour les personnages. Seuls le gamin (et aussi l'impressario interprété par Kathie Bates) m'ont convaincu. Peut-être parce que ce petit garçon acteur, homosexuel victime des moqueries des durs du collège, est sans doute le personnage dans lequel Xavier Dolan a mis le plus de lui-même, et donc celui qui touche le plus.


Grosse déception encore une fois. Avec la célébrité et les moyens conséquents mis à sa disposition par les studios, Xavier Dolan, le tout jeune homme aux doigts d'or, me semble devenu un adulte aux doigts de plomb. Juste la fin du monde, avec son casting français impressionnant, ne m'avait déjà pas convaincu. Peut-être manque-t-il Xavier Dolan lui-même, devant la caméra, pour retrouver ce qui faisait la force, la sensibilité et la fraîcheur de ses premiers films ? A l'exception de Laurence Anyways, je n'ai finalement adoré que les films où Xavier occupait la première place pour les incarner. Comme si Xavier Dolan acteur était seul capable de restituer à l'écran la force et l'émotion de ce que veut exprimer Xavier Dolan réalisateur. Ses films ne sont jamais aussi forts que lorsqu'il est devant la caméra pour les défendre, avec sa fragilité, sa sensibilité extrême de gosse surdoué, anxieux, écorché vif, à fleur de peau, génial et passionné. Ma vie avec John F. Donovan aurait gagné en intensité si Xavier Dolan avait endossé lui-même le rôle titre, à la place de Kit Harington (John Snow, pour les intimes) que j'ai trouvé lisse et convenu. Puisqu'on en est à rêver, je me laisse à imaginer Anne Dorval à la place de Susan Sarandon et Suzanne Clément à la place de Nathalie Portman. Xavier devrait peut-être revenir à ses premiers amours pour mieux retrouver ses racines, au lieu de céder aux sirènes de la tentation et faire tourner toutes les stars de la planète (n'est pas Terrence Malick qui veut). Jessica Chastaing, coupée au montage (ce qui a scandalisé Hollywood, au point que les Etats Unis refuseraient de sortir le film sur le sol américain !), n'aurait sans doute pas changé grand chose à la donne...


Bref, pour éviter de tomber de déception en déception, je n'irai plus voir les films de Xavier Dolan, à moins qu'il ne renonce à sa ribambelle de stars pour se remettre lui-même en lumière et retrouver la force et l'émotion de ses débuts.


Je lance donc un appel poignant à Xavier, qui parait avoir beaucoup souffert pour réaliser ce film (le montage a duré 2 ans ! La version initiale du film durait 4 heures ! Et moi qui le trouve trop long, de quoi je me plains...) : retrouve le Québec, retrouve ta famille (Anne et Clémence), redevient l'acteur de tes films !!!


Bon, je ne me fais guère d'illusions, la tentation sera trop forte et Xavier va continuer sur la route de la gloire, parsemée de strass et de stress, gros budget, grosse production et myriade de stars. Ce sera sans moi. Ce n'est pas grave, il ne me connait pas, ne sait pas que j'existe et cette critique ne sera lue par personne, cela me donne juste l'occasion d'exprimer ma déception. Je suis peut-être un peu dur mais c'est parce que je l'ai beaucoup aimé et en conséquence qu'il ma beaucoup déçu.

Floridjan
4
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Les meilleurs films de Xavier Dolan

Créée

le 17 mars 2019

Critique lue 428 fois

2 j'aime

4 commentaires

Floridjan

Écrit par

Critique lue 428 fois

2
4

D'autres avis sur Ma vie avec John F. Donovan

Ma vie avec John F. Donovan
Sergent_Pepper
5

Live and let lie

On peut faire une foule de reproches à Dolan, mais certainement pas celui de l’insincérité. C’est d’ailleurs là l’une des conclusions de ce film, qui enjoint à la jeunesse de vivre dans la vérité :...

le 18 mars 2019

106 j'aime

6

Ma vie avec John F. Donovan
Cinématogrill
7

Vie, mort, postérité, guimauve

Si Ma vie avec John F. Donovan est le premier film américain du jeune québécois, il est aussi d'assez loin le projet qui lui a donné le plus de fil à retordre. Première ébauche du scénario début 2011...

le 4 mars 2019

98 j'aime

6

Ma vie avec John F. Donovan
mymp
5

Dolan pour les nuls

Rupert se souvient de John, en posters scotchés dans sa chambre, à la télé devant laquelle il devenait frénétique, trop fan. Rupert se souvient des lettres qu’il a écrit à John alors qu’il était...

Par

le 15 mars 2019

80 j'aime

5

Du même critique

Once Upon a Time... in Hollywood
Floridjan
9

Règlement de compte

Enfant, j'étais amoureux de Sharon Tate. Je ne me lassais pas de l'admirer dans le bal des vampires. Je la trouvais si belle et émouvante dans sa robe rouge, dansant avec le comte Von Krolock au...

le 15 août 2019

26 j'aime

12

Chambre 212
Floridjan
5

Un film trop bien parlé

Voilà un film dont la bande annonce m'a énormément alléché et qu'il me tardait de voir, pour plusieurs raisons. Déjà, le réalisateur, Christophe Honoré, dont j'ai tant aimé Dans Paris et les chansons...

le 13 oct. 2019

18 j'aime

Don Juan
Floridjan
4

Don Chiant !

A une autre époque, j'aurai écris au sujet de Don Juan, de Serge Bozon, que j'ai trouvé le film intéressant, mais avec des longueurs, façon polie d'écrire que l'on s'est ennuyé mais que tout n'est...

le 26 juil. 2022

16 j'aime

5