Xavier Dolan laisse rarement indifférent. On aime ou pas son style, mais on ne peut pas lui retirer la sincérité de son cinéma ni son engagement total et sans concession. Il est tout aussi difficile de nier ce talent peu commun qui lui permet d’allier sophistication et émotion brute. Ça peut parfois sembler excessif ou passer pour de l’arrogance, mais il assume surtout une vision sûre et éclairée de son art. Personnellement j’aime beaucoup.
Ma Vie avec John F. Donovan Premier est son premier film en langue anglaise. Un film au parcours extrêmement compliqué, un destin de film maudit. Pourtant, il s’avère très personnel, un film somme des obsessions du cinéastes, qui plus est nourries par la culture pop des années 90.
On y retrouve des thématiques chères à Dolan, comme l’acceptation de soi et de son identité sexuelle, la crainte du jugement des autres (le réalisateur n’a jamais caché avoir besoin de se sentir aimé et de savoir son travail apprécié), et évidemment son crédo, l’amour maternel, inconditionnel et dévorant. Sans doute enrichi par l’expérience de sa renommée précoce, Dolan tente d’englober toutes ces thématiques dans une chronique intimiste sur les affres de la célébrité et les dérives du show business.
Tout y est donc. Mais ça ne prend pas complétement. Sans doute le cinéaste avait-il justement trop à dire, trop à montrer (on parle d’une version de 4h).
C’est comme si, trop occupé à trouver une cohérence à son script, un fil conducteur convaincant à son récit, il en a négligé son style. Bien sûr Ma Vie avec F. Donovan est truffé de fulgurances, de moments de cinéma purs (la boîte, la salle de bain). Bien sûr, la musique est parfaitement accordée à sa mise en scène. Mais son talent, évident, se noie dans un script dont il ne se sort pas, ou de manière forcée. Peut-être aurait-il pu d’avantage jouer sur le mystère ou l’ellipse (cette correspondance a-t-elle seulement existée ?). Sans doute aurait-il dû se défaire de cette structure figée que lui impose l’exercice de l’interview filmée et qui sied bien mal à son style viscéral et le plus fréquemment basé sur le mouvement.
Mais une chose reste immuable dans le cinéma de Dolan, c’est son amour pour les comédiens et son don évident pour la direction d’acteurs. Il gère parfaitement le phénomène Jacob Tremblay, magnifie Portman et Sarandon en figures maternelles. Même Jon Snow convainc largement.
Mais ce n’est simplement pas suffisant, en particulier au regard des hauts standards auxquels Xavier Dolan nous avait habitué.
Ma vie avec John F. Donovan est loin d’être une catastrophe, mais laisse un sentiment d’inaccompli.

Créée

le 20 mars 2019

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