C'est le troisième film de Monte Hellman que je vois, après The shooting et son dernier, Road to nowhere. Autant le dire, je n'aime pas ce réalisateur. Pourquoi regarder ses films, alors ? Par curiosité, tout simplement. Il y en a peut-être un qui finira par me plaire.

On a donc un road-movie des années 70, qui a quelques particularités. Aucun personnage n'a de nom propre. L'histoire est celle de deux hommes taciturnes, le conducteur et le mécanicien qui a conçu le moteur d'une chevrolet 55 modifiée. Ils traversent les Etats-Unis, défient des conducteurs pour gagner de l'argent. En chemin, une jeune lolita hippie (Laurie Bird) monte dans leur voiture sans leur demander leur avis. Ils rencontrent aussi le conducteur d'une Pontiac GTO (Warren Oates) et décident d'une course de longue haleine jusqu'à Washington D.C. L'itinéraire part du Nouveau Mexique pour remonter vers l'est, à l'inverse de l'attirance traditionnelle vers l'est. Il y a aussi le plaisir du "cruising", un peu comme dans "American graffiti".

Le film compte peu de paroles. Les personnages sont mutiques, et il ne se passe pas grand-chose. Restent les beaux paysages dignes du western, le glamour des voitures, une forme de poésie propre aux stations essence (surtout des Fina et des Esso, ce qui m'a étonné pour les Etats-Unis). Il n'y a quasiment pas de passage en ville, si bien que le film est au fond assez champêtre. Il y a quelques autostoppeurs truculents dans leur genre : la vieille et son petit-fils qui vont au cimetière, un accident gore, un homosexuel qui essaie de charmer Warren Oates, un hippie pas très tolérant, un couple qui s'engueule...

Le film repose sur la contingence : difficile de prévoir ce qui va se passer. A mon avis cela cache une certaine paresse à construire un scénario, paresse que l'on masque avec des phrases métaphysiques et des allégories sur le cinéma : les traits blancs présents sur la courroie de transmission sont une allégorie du projecteur de cinéma, et le tandem une allégorie du métier d'artiste. Hellman nous fait le coup à chaque fois, mais n'est pas Godard qui veut. Les personnages manquent de profondeur, à l'exception de Oates, qui comme d'habitude tire bien son épingle du jeu. Le film adopte tout de même un parti pris courageux, celui de ne pas se reposer sur la musique, sinon brièvement : contrairement à "Easy rider", qui fait parfois un peu penser à un clip, "Macadam à deux voies" ne fait écouter que la musique que les conducteurs mettent pour tenir au volant.

Hellman est probablement le réalisateur le moins américain né sur le sol des Etats-Unis. Je ne comprends pas qu'on parle autant de lui, mais si je trouve parfois ses films à la limite de l'imposture, je dois dire que "Macadam à deux voies" se laisse regarder. Le problème, c'est que comparé à ses contemporains "Easy rider" et "Point limite zero", "Macadam" est un peu plat. Restent le charme incandescent de Laurie Bird, Warren Oates, l'air ténébreux du héros conducteur et les beaux paysages.
zardoz6704
6
Écrit par

Créée

le 13 janv. 2013

Critique lue 364 fois

1 commentaire

zardoz6704

Écrit par

Critique lue 364 fois

1

D'autres avis sur Macadam à deux voies

Macadam à deux voies
Sergent_Pepper
8

Les êtres inachevés.

Le road-movie, un genre en soi, est la plupart du temps un argument d’écriture facilitant la dynamique et la dramaturgie : un voyage initiatique (Alice dans les villes), une fuite en avant (True...

le 29 nov. 2016

25 j'aime

9

Macadam à deux voies
oso
8

Au royaume du piston

Voilà un chouette archétype du film anti-spectacle poussé à son paroxysme. Macadam à deux voies est un road movie épuré à l’extrême uniquement rythmé par le rugissement des moulins que des allumés du...

Par

le 9 févr. 2016

19 j'aime

4

Macadam à deux voies
Fatpooper
10

L'apathie de vivre

Haaa ces films sur l'Amérique perdue, j'aime ça. Vanishing Point, Bonnie and Clyde, Easy Rider, ... Car c'est bien de ça dont parle le film ; le 'no future' est enfin arrivé, nous sommes en plein...

le 24 janv. 2013

12 j'aime

Du même critique

Orange mécanique
zardoz6704
5

Tout ou rien...

C'est ce genre de film, comme "La dernière tentation du Christ" de Scorsese", qui vous fait sentir comme un rat de laboratoire. C'est fait pour vous faire réagir, et oui, vous réagissez au quart de...

le 6 sept. 2013

56 j'aime

10

Crossed
zardoz6704
5

Fatigant...

"Crossed" est une chronique péchue, au montage saccadé, dans laquelle Karim Debbache, un vidéaste professionnel et sympa, parle à toute vitesse de films qui ont trait au jeu vidéo. Cette chronique a...

le 4 mai 2014

42 j'aime

60

Black Hole : Intégrale
zardoz6704
5

C'est beau, c'est très pensé, mais...

Milieu des années 1970 dans la banlieue de Seattle. Un mal qui se transmet par les relations sexuelles gagne les jeunes, mais c'est un sujet tabou. Il fait naître des difformités diverses et...

le 24 nov. 2013

40 j'aime

6