Orange, furieux, jouissif… Trois mots pour un chef d’œuvre

Ce que l’on se dit en émergeant du film c’est : « Wah mais le papi Miller est quand même vachement balaise ! » Et il est vrai que c’est étonnant de trouver ce genre de réalisation chez un monsieur de 70 ans. Une réalisation claire reflétant pourtant la brutalité de chaque scène d’action. Tout s’enchaîne magnifiquement sans que le souffle d’entrée ne s’estompe. Ce qui est aussi incroyable, est le fait que d’habitude, lorsque le cinéaste peine à représenter une scène d’action, il la ralentit (je ne parle pas ici de choix esthétiques comme c’est fait chez Snyder). Ici, Miller a une telle maîtrise de la caméra et du dosage, qu’il arrive même à accélérer l’action sans que l’on ne perde le film à un seul instant. Le résultat renforce la sauvagerie et la violence morale de ce qui se passe à l’image avec brio.
Le film est beau. Autant dans sa réalisation que dans ses visuels. Si l’on aime un tant soit peu le spectaculaire, on ne peut qu’être sans voix devant la scène de la tempête. Un moment manquant de superlatif pour le désigner. Les décors sont dans la continuité : inspirés et beaux. La citadelle est très belle même s’il est un peu dur de se représenter l’intérieur. On n’assiste pas à une surabondance d’effets numériques mais plutôt à une volonté de revenir à ce qui fait l’essence du vieux cinéma : l’effet pratique. Ici, les cascades sont réelles, effectuées et tournées en plateau pour un réalisme saisissant.
Il y a quelque chose que je trouve assez étrange aussi et qui est le fruit d’un dosage astucieux, c’est le ton du film. Glauque à certains moments, fun à d’autres… Comme le dit très bien le Fossoyeur de Films :



Il Fait les choses sérieusement, sans se prendre au sérieux



Et c’est effectivement le cas. Le joueur de guitare lance flamme par exemple, est la meilleur idée du film. C’est complètement barré et assumé comme tel. Cependant, on n’en retire pas moins un traitement réaliste de tout l’univers et de ces personnages. La vision des mères porteuses, les corps des gens décharnés par les ravages du monde, ou encore la folie ambiante… Tout est dur et décomplexé à la fois. On en ressort troublé, sans réussir à mettre le doigt sur ce qui crée le trouble. Le monde est poussiéreux, dur, sans pitié pour quiconque. Ce ton si spéciale est une chose importante qui en est pour beaucoup dans la réussite du film.
Le scénario aussi est une force. Si certain le juge trop simple, c’est parce qu’il n’en découle pas une tonne de rebondissements scénaristiques. On sait où on va presque du début à la fin. Cela peut déranger, mais je trouve que c’est une qualité que de faire concis tout en restant intelligent. Si certains films peuvent trop intellectualiser leur propos les rendant confus et fouillis, Mad Max apporte une fraîcheur à ce niveau. Il traite de profondes valeurs et messages sans s’y attarder en tant que message. Il dit c’est comme ça, et c’est normal que cela le soit. Dans ses messages, le féminisme est au centre. Les personnages féminins sont forts et attachants. Ils sont bien traités sans rentrer dans la caricature pour autant. Cependant, cela nous fait arriver à la principale critique négative du film : un Max sous exploité. Durant tout le film on assiste à la déconstruction du héros qu’il était. Son seul instant de gloire est coupé comme pour nous dire : on sait que les hommes sont forts, Max l’est aussi, mais on va plutôt vous montrer ce que font les femmes. Cela dit, on reste en présence d’un immense film qui en vient à ridiculiser le cinéma d’action moderne.
Ah oui… La musique déchire sa race.
Bref, on pourrait parler des heures de ce Mad Max. Mais la chose qu’on peut en retenir est l’espoir. L’espoir qu’il serve de leçon au milieu du cinéma de blockbusters. L’espoir que germe dans l’esprit des gens l’idée d’un cinéma grand public intelligent. Un blockbuster intelligent… Drôle de chose que de dire cela. Ça ne devrait pas. Le cinéma est le plus beau de tous les arts. Il procure des sensations, fait réfléchir et rêver. Réaliser un film est une grande chose et une chance inouïe. Voir ce que font certains de cette opportunité est affligeant.
En attendant, on peut toujours voir et revoir certains films de talents qui sortent du système pour mieux le détruire. Et peut-être qu’un beau jour argent sera synonyme de qualité.

LouTino
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le 1 oct. 2017

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