Quel film incroyable ! Sûrement le meilleur de la décennie… Ma tâche est difficile : écrire une critique structurée, qui tienne la route…. Je dois refreiner mon enthousiasme. Je n’aurais pas dû rédiger cette critique après l’avoir vu à nouveau. Je suis encore sous le charme. Il faut dire que dans ce film, il y a tout pour me plaire. Le souffle épique est une chose, mais sans tout le reste, Mad Max Fury Road resterait une coquille vide.


Il y a d’abord, ce scénario épuré qui tient sur un papier à cigarette : la protégée du tyran le trahit et aide ses esclaves sexuelles à s’enfuir. Il faut les rattraper ! Et c’est génial ! Rien d’encombrant. C’est presque une longue scène (temps du récit = temps de l’action) qui se déploie devant le regard hypnotisé du spectateur, sans temps mort. Une sobriété que reflète à la perfection ce paysage d’étendues désertiques. Mais pour aller plus loin encore, ce scénario très linéaire en apparence fusionne finalement avec le fond, sa métaphore existentialiste : survivre, c’est aller tout droit, foncer en avant, qu’importe…. Avant que toute cette éthique, au bout du chemin, s’effondre…


Plus fort encore, la puissance du pouvoir de la suggestion. On la croyait surtout littéraire et si elle faisait son entrée au cinéma, c’était pour des films « d’art et d’essai ». Or, la voilà en plein film d’action Hollywoodien qui donne tout un background extraordinaire et foisonnant. On découvre par petites bribes éclatées la richesse de l’univers de Mad Max. Si l’on remet tout à sa place, à petite échelle, Immortal Joe et son récit n’est qu’une histoire possible parmi d’autres. Il n’est que le despote d’une cité avec ses propres codes parmi toutes celles existantes. D’où l’intérêt de croiser pour quelques minutes d’autres peuplades, d’autres « tribus », comme par exemple un convoi venu de Pétroville avec son « maire » au nez prosthétique très stylisé. Une autre esthétique fait son entrée et le spectateur est renvoyé à sa fertile imagination. Il est là, ce pouvoir de la suggestion qui donne à Mad Max une véritable richesse à son univers, comme une mythologie bien construite. En remettant les choses à leur place, visionner ce film, c’est comme avoir un aperçu de ce monde créé par George Miller. Merci à tous les directeurs artistiques.


Autre véritable réussite inattendue : la prise de position mesurée. De la résignation, de la désillusion peut naître un nouvel espoir. Abandonner n’est pas toujours une mauvaise idée, en somme. Les deux héros (Charlize Therone et Tom Hardy qu’on ne présente plus) un homme, une femme (l’humanité en somme) délaissent leur objectif utopique et incertain pour faire demi-tour ! Quelle audace pour Hollywood ! En ces temps « progressistes », on ose filmer le retour en arrière, l’enracinement, comme salvateurs !


Je redoutais vraiment que la thématique écologique vienne ruiner tous les efforts déployer en délivrant sa morale redondante. Au contraire ! Quelle ironie ! George Miller et ses V8 a compris qu’une véritable écologie est réactionnaire au sens propre : c’est un retour au point de départ.


Le film est aussi parcouru d’une réflexion plastique vraiment fascinante sur « le mannequin ». Il y a une dialectique délicieuse entre ces mannequins de latex qui, comme dans la pure tradition des Mad Max continuent d’être malmenés, éjectés dans la mort, dans le feu et la poussière. Et à l’opposé, comme un miroir inverse, les mannequins (de mode) castés par l’équipe comme l’Australienne Abbey Lee Kershaw.
Que sauvent les héros ? La beauté. La mort du monde, c’est la mort de la beauté. Ces femmes magnifiques qui jurent tout du long avec leurs étoles diaphanes, leur teint de poupée, la délicatesse de leur corps, plongées dans un univers de moteur vrombissant de rage, de destruction, de feu et de fureur. Ce n’est pas un film féministe ! Heureusement, Miller a été assez intelligent pour enterrer toute idéologie. C’est un film humaniste, et de toute façon, ne serait-ce qu’avec Furiosa, il renvoie au placard toutes ces tentatives absurdes post-Weinstein de remakes « all female cast movies ».


Il y aurait encore tant de choses à dire. Ce film est irréprochable. George Miller a redonné ses lettres de noblesse au divertissement. L’entertainment retrouve un certain éclat. J’ai toujours vu Mad Max Fury Road comme le baroud d’honneur d’Hollywood…

Hiroshige
10
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le 16 avr. 2020

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