Trip hystero-punk déversant sa rage dans un décor poussiéreux post-apocalyptique, le nouveau Mad Max s’offre au spectateur comme un furieux et saisissant ballet de tôle, de sang et de feu.
La dimension hautement opératique de l’entreprise prend aux tripes, sonne, éblouit parfois, s’envole dans une maîtrise formelle rarement vu au cinéma. Convoquant dans une ambitieuse harmonie, fulgurances visuelles, embardées sonores et musicales et chorégraphies ébouriffantes de bolides lancés à toute vitesse, Miller délivre un road movie vibrant et spectaculaire. Sa mise en scène affolante et d’une précision d’orfèvre impressionne, si bien que la crainte initiale d’un long métrage que ses excès pourraient rendre épuisant s’estompe vite. La remarquable maîtrise du réalisateur pour cadencer son film au rythme des courses poursuite, exploiter les immenses étendues désertique et ne jamais ajouter l’effet de trop le rend presque aérien et jamais oppressant, malgré la frénésie qui le parcoure. Elle est aussi mise en valeur par une 3D immersive efficace et utile, une fois n’est pas coutume.
Et si Miller fait preuve d’une virtuosité incontestable pour filmer les scènes d’action, son Mad Max est aussi graphiquement bluffant. Couleurs saturées, nuances d’ocres, photo poussiéreuse, l’image semble travaillée comme si elle sortait d’une peinture ou d’une BD, surréaliste mais d’un esthétisme fou. Il assène ainsi au passage quelques claques visuelles (au hasard une tempête de sable, l’apparition des mères, un guitariste dément…), conférant à son film une dimension iconique indéniable. Au-delà de la maestria technique, le réalisateur australien assied un imaginaire baroque à la fois solaire et crasseux, énervé et souffreteux, à l’image des personnages barrés qui le peuplent, et crée un univers cohérent aussi bien visuellement que narrativement.
Certes, ça ne parle pas beaucoup dans Mad Max. Mais tant mieux, car les moments dialogués sont les points faibles du film, si on devait lui en trouver. Si le scénario est basique et surtout prétexte à cette haletante et explosive course poursuite, il a le mérite de révéler un propos féministe assez inattendu, fort et résolument contemporain. Il est d’ailleurs assez clairement exposé que le rôle principal n’est finalement pas Max, incarné par un Tom Hardy grognon et peu charismatique, mais l’impérieuse Furiosa, habitée avec rudesse et passion par la grande Charlize Theron, dont la farouche détermination semble parfois vaciller pour laisser apparaître une faiblesse interdite.
Road movie nerveux et étourdissant, Mad Max s’impose bel et bien comme le blockbuster total, brillant et définitivement moderne qu’il se promettait d’être. Etre à la hauteur de l’attente n’est pas la moindre de ses réussites.