Tout dans ce Mad Max est posture, et tout dans les postures est affirmation de sens. Un peu comme l'animal se définit par son territoire et sa posture, les personnages de ce monde "performent" une posture (des regards, des mouvements) qui tente de faire des taches de sens dans un monde qui en est dépourvu.
La prémisse du film est à mes yeux celle-là : ce monde se meurt objectivement, et ne survit que grâce à sa ritualisation de la moindre activité. Il n'y a aucun espoir possible, rien ne se recycle, rien ne revit, tous se meurent à petit feu. L'idée d'un monde qui avance ne se maintient que par l'illusion d'une hiérarchie sociale et la promesse d'une salvation pour une partie de la population.
La course-poursuite qui prend place est au début une pure "fuite en avant" (en français dans le texte, je veux dire au sens psychologique), mais se mue progressivement en construction de posture. les uns et les autres amènent leur présence, mouvement, et finissent par en faire une sorte de conjugaison qui crée une unité productrice de sens.
Ainsi le mimétisme originel entre les personnages et ce monde, l'acharnement, se mue-t-il progressivement en une interprétation de celui-ci : tout constat objectif du monde les détruit - il n'y a plus de terre promise. Continuer à n'être que rage revient donc à encourir le même sort que celle-ci. ce que gagnent les personnages c'est une distance avec le monde, ils finissent par l'interpréter, et à passer du statut de "subir" à un statut d'"agir".
La beauté émanant de cette transformation tient toute entière dans le fait que rien, aucune garantie ne vient colorer cette mutation. Tout ça ne pourrait être qu'en vain. Et malgré tout, ces être poursuivent ce sens.
Un film qui reste étonnamment longtemps dans la mémoire, alors qu'en première impression on y voit qu'une course poursuite explosive à outrance.