Filmer tant de sentiments mêlés et nuancés avec une telle justesse, je ne l'avais plus vu depuis longtemps. Sûrement depuis Claude Sautet.
Il y a d'abord l'environnement, formidablement retranscrit : une Amérique besogneuse, celle des ouvriers des ports et des villes, working boots aux pieds et veste en toile élimée sur les épaules. Puis la narration, entre récit au présent et réminiscences permettant de mieux saisir les actions des personnages. Ces derniers sont tous fascinants. Le personnage de Lee Chandler en tête (interprété par Casey Affleck, bouleversant), un dur à la tâche, taiseux, qui cache tant de cicatrices infligées par la vie. Et son neveu, incertain des sentiments qu'il éprouve après le décès de son père, tiraillé entre la volonté de continuer à vivre comme si de rien n'était, et le désir d'honorer la mémoire de son père. Ces deux-là vont tout à tour s'épauler, et exposer malgré eux leurs félures.
On aurait pu tomber dans le mélo rythmé de fausses notes. C'est tout l'inverse qui se produit. On quitte ces personnages la gorge serrée par tant de vérité et de justesse dans la peinture des sentiments que nous offre ce film. Certains reprocheront la longueur du film, j'y vois plutôt une langueur salutaire, c'est l'un de ses films où il fait bon se perdre dans la durée, on n'en est que plus touché par l'intrigue et ses personnages. Mon coup de coeur de 2016.