Comme le récent Baccalauréat, Manchester by the Sea a été projeté dans plusieurs festivals et a engendré pléthore de critiques dithyrambiques (le film est déjà favori pour les oscars) et comme pour Baccalauréat, je me méfiais fortement du buzz. Force est de constater que comme pour Baccalauréat, j'avais tort….
Pourtant, le 3ème film de Kenneth Lonergan (scénariste de Gangs of New York...et de Mafia Blues 2) n'invente strictement rien, la thématique du deuil et de son dépassement ayant déjà été exploitée par de nombreux mélodrames familiaux dans le passé.
C'est d'abord dans sa structure narrative que le film fait preuve d'originalité en recourant à des flashbacks placés à des moments clés du récit. Ce dispositif aurait pu être rébarbatif mais il n'en est rien et ces allers-retours dans le passé accompagnent le cheminement intérieur douloureux du personnage principal. A ce titre, Manchester by the Sea est d'une justesse assez sidérante dans sa gestion de l’émotion (on pense notamment à la confrontation entre Lee et son ex-femme) et refuse tout pathos en introduisant une distanciation bienvenue par la mise en scène (toutes les scènes liées à la mort), en expurgeant certains passages de dialogues et enfin en s'appuyant sur des interprètes exceptionnels avec en tête Casey Affleck d'une évidence absolue en homme brisé et Lucas Hedges, la révélation du film.
Non content d’éviter de donner dans le terrorisme lacrymal malgré une histoire bouleversante et universelle, le métrage brille aussi dans la caractérisation de ses personnages, tous blessés par la vie mais qui ne sont jamais caricaturaux ni prévisibles ce qui les rend encore plus attachants et occasionne même quelques saillies humoristiques qui viennent apporter un peu de lumière dans la grisaille de Manchester. En témoigne le traitement du fils qui malgré l'épreuve qu'il traverse et les relations compliquées qu'il entretient avec sa mère et son oncle, reste jusqu'au bout un ado normal mû par des préoccupations inhérentes à son âge (les filles, les potes, son groupe de musique, le sport...) là où certains en auraient fait un suicidaire ou le cliché du petit con rebelle.
La conclusion douce-amère vient renforcer l'impression que Manchester by the Sea est un mélo d’une pudeur et d'une lucidité rare dans le sens où il refuse toute morale simpliste et qu'il montre que le processus de résilience n'est pas le même chez tous les individus.
Transcendé par un script brillant et par des interprètes géniaux, le film mérite pleinement les commentaires positifs qu'il a engendré et restera comme une des œuvres les plus marquantes de 2016.