Parti pour voir un bon film anglais, avec le dynamisme et l'anti-conformisme qui vont de pair, je n'ai pas bien capté sur le moment les allusions aux membres de la famille Chandler vivant à Boston ou au Minnesota, le metteur en scène se gardant bien de préciser que l'histoire se passait au Massachusetts.
En guise d'action , mis à part le climax que tout le monde sur SC a déjà dévoilé, je suis resté en plan. Et pour ce qui est de l'originalité...Cela dit le film dégage une émotion certaine, évite (de peu) l'ennui et vaut surtout par l'interprétation de Casey Affleck (le lâche Robert Ford qui assassina Jesse James) qui ne sera certainement pas loin de l'Oscar d'interprétation.
Le début montre le quotidien terne et difficile d'un banal employé d'immeuble homme à tout faire dénommé Lee Chandler (Casey Affleck). Je n'ai pas pu m'empêcher de voir dans ce handyman une personnification du travailleur blanc américain travaillant dur, désemparé et n'espérant plus rien de l'avenir. Ce n'est pas, semble-t-il, l'intention première du metteur en scène de faire un film sociétal, mais à voir l'attitude de Lee tout du long, à le retrouver vers la fin dans son studio reparti pour une nouvelle vie de galère, impossible de ne pas y penser bien que l'enjeu du prologue soit tout autre.
Les problèmes relationnels de Lee Chandler avec les locataires, son caractère introverti, sa solitude devant les matches de hockey, les bières qu'il s'enquille et les bagarres dans les pubs laissent supposer une une fêlure occasionnée par les épreuves de la vie. Hasard du titre, il y a du Travis de Paris, Texas dans ce solitaire laminé par la vie. C'est l'intérêt de la première partie de nous amener par petites touches et par des flashbacks judicieux à la catastrophe qui arrive à l'improviste. Et on comprend le terrible sentiment de culpabilité qui peut submerger en pareil cas. Car
La culpabilité est peut-être le compagnon le plus douloureux de la mort
comme disait Coco Chanel (...qui pourtant en éprouvait fort peu).
Et le travail de deuil dans ces conditions est quasiment impossible. Visite à la morgue, flashback sur les jours heureux, nous assistons avec un Lee effondré aux conséquences du décès brutal de Joe Chandler, (interprété par Kyle Chandler???), le frère de Lee, qui paraissait si solide. Pour Patrick, le fils de Joe, le travail de deuil sera aussi très difficile, l'enterrement s'avérant irréalisable pour cause de terre gelée. Mais la réaction du neveu est à l'opposé de celle de son oncle devenu son tuteur. Ado rebelle aimant les plaisirs de la vie, Patrick va jouer un rôle de thérapeute pour son oncle! La confrontation entre ces deux caractères opposés étant l'un des intérêts de la seconde partie.
Qui voit l'ex-épouse de Lee ainsi que la mère de Patrick refaire leur apparition, les femmes ayant la portion congrue dans le film, probablement parce qu'elles se sont mieux reconstruites que les hommes et échappent ainsi au pathos. Souligné par l'Adagio d'Albinoni et des plans de la mer sous un ciel gris le mélodrame se partage équitablement avec le réalisme des bagarres, et on comprend progressivement qu'il n'y aura pas de résilience pour Lee Chandler.
Dans la partie finale le rythme à tempo medium se maintient et Kenneth Lonergan pourrait continuer ainsi pendant des heures. Il faut bien le constater, Manchester by the Sea donne à plusieurs reprises une impression de déjà vu sur la fin. Démarches administratives; visite décevante de l'ex ,enceinte et accompagnée; flirts de Patrick occasionnant quelques sourires; sentiment de malaise de Patrick invité par sa mère et son nouveau compagnon; problèmes de moteur de bateau; re-bagarre de Lee dans un bar, Kenneth Lonergan donne l'impression de ne pas savoir terminer son film, ou d'avoir trop de choses à dire. Et en un fondu au noir au milieu d'une scène sur le bateau le mélodrame s'achève un peu par surprise.
Qui sait, en dépit de son air de déjà vu ou déjà vécu Manchester pourrait gagner une coupe aux Oscars, surtout s'il est visionné sous un ciel couvert et après des fêtes. Les surprises ne manquant pas en ce moment.
[ma note:6,5]
[durée ressentie: 2H40]