Merci Woody pour cette réinvention magistrale de deux figures tutélaires de la littérature: Rastignac et Raskolnikov, ou quand l'appétit de reconnaissance de l'un devient motif de crime pour l'autre. Si Chris, jeune professeur de tennis sans avenir, prouve tout autant que le héros balzacien son attirance pour les hautes sphères de la société -La City londonienne, son comportement de criminel, en revanche, est bien plus calculateur que son alter ego presque autoproclamé -ne lit-il pas Dostoeivski au tout début? Le téléspectateur, partagé entre sa compassion pour ce personnage étriqué dans ses mensonges et son aspiration bien pensante de justice, halète d'impatience devant ce match de tennis à haut suspens: de quel côté du filet tombera la balle? Chris subira-t-il le châtiment qu'il mérite?
-Spoiler-
Et bien Chris a joué finement sa partie: en aucun cas il ne s'agit d'un crime passionnel, bien que Nola Rice ait été sa maîtresse passionnée. Non, Chris joue set après set sans douter, et il ne sera pas en proie à la fièvre moite du criminel, celle qui brouille le jugement et fait commettre l'erreur qui trahit. De châtiment punitif il n'y aura pas, tout au plus d'épisodiques remords. Mais en rien nous envions Chris d'avoir détourné les soupçons, parce que sa vie est froide, à l'image de son appartement londonien, et calculée au millimètre pour le restant de ses jours.
Merci également pour la bande originale d'opéra : la voix de velours d'Enrico Caruso nous enveloppe de sa chaleur, sublimée par l'enregistrement grésillant, et transfigure cette tragédie du hasard avec brio.