Une claque mémorable à l'aube du 21ème siècle

Alors que l'humanité s'apprête à changer de siècle (et de millenaire), Hollywood lui offre une de ses œuvres de science-fiction les plus emblématiques.

L'intrigue prend place dans une double réalité : celle d'un futur dévasté par la guerre entre les Hommes et les Machines et celle de la Matrice, le monde de 1999 tel qu'on le connaît.

Au centre de ces deux mondes : Thomas Anderson alias Neo, interprété par Keanu Reeves. Jeune programmeur informatique la journée, hacker la nuit, en proie à d'étranges rêves et questionnements sur le monde qui l'entoure, un mot revenant au centre de tout : MATRICE. Contacté par une mystérieuse équipe de hackers professionnels et dans le même temps traqué par de redoutables Agents, Neo découvre peu à peu la vérité sur le monde qui l'entoure.

Doté d'un scénario complexe mais particulièrement bien pensé, le film apporte une réflexion profonde sur notre monde à travers plusieurs axes : la place croissante des Machines et ses conséquences pour l'Homme, l'antagonisme confort / liberté, la théorie d'un système qui nous emprisonne ou encore celle que la vérité est ailleurs. Plus concrètement ici, la Matrice est une prison " dorée ", le monde réel une douloureuse liberté. Face à ces deux réponses, un choix difficile s'impose au gré d'une question majeure : vaut-il la peine de perdre un confort apparent pour une liberté pauvre et dont on ignore l'aboutissement ?

" La Matrice est universelle. Elle est omniprésente. Elle est avec nous ici, en ce moment même. Tu la vois chaque fois que tu regardes par la fenêtre ou que tu allumes la télévision. Tu ressens sa présence quand tu pars au travail, que tu vas à l'église ou que tu paies tes factures. Elle est le monde qu'on superpose à ton regard pour t'empêcher de voir la vérité. '

Cette définition de Morpheus, incarné par Lawrence Fishburne, prend tout son sens dans l'idée qu'en abbreuvant l'humain de confort et de divertissement, on peut aisément l'éloigner de certaines réalités. Une illustration que l'on peut transposer dans notre monde réel qui, sans pour autant tomber dans un complotisme affirmé, suscite questionnements et réflexion sur l'étendue du système qui nous entoure (gouvernements, médias, multinationales, technologies...).

Parallèlement à sa réflexion autour de la signification de la Matrice, le film s'attaque à la question des Machines et Intelligences Artificielles (IA). A force d'élaborer de nouvelles machines toujours plus perfectionnées pour faciliter notre confort, les humains n'ont-ils pas accru leur dépendance envers elles ? A force d'aller toujours plus haut dans la création, le rapport de force entre Homme et Machine ne s'est-il pas inversé ? C'est l'un des axes choisis ici, où l'être humain se retrouve réduit à l'état de pile électrique par les Machines.

Celles-ci sont ici partout, des Sentinelles du Monde Réel aux programmes informatiques nommés Agents sillonnant la Matrice. Une illustration amenée avec finesse : d'un côté, les Sentinelles sont représentées par de terrifiantes pieuvres robotisées, symboles du monde réel post-apocalyptique qui les entoure ; de l'autre, les programmes informatiques réparant les bugs de la Matrice apparaissent sous l'aspect d'Agents spéciaux vêtus de smokings et équipés de lunettes noires, symboles de l'image classe de la Matrice.

Toujours au service du scénario, les effets spéciaux mis en œuvre sont impressionnants, nous plongeant littéralement dans une autre dimension au gré de scènes d'action hallucinantes. L'usage du BULLET TIME, procédé où les mouvements du personnage apparaissent au ralenti alors que la caméra semble filmer à vitesse normale, acquiert ici ses lettres de noblesse lors de cette scène où Neo fait face à l'Agent Smith au sommet d'un building.

La présence de combats choregraphiés apporte elle aussi une force grandiloquente au film, en donnant du rythme et de la classe sans pour autant en faire trop. Chaque scène a sa place et son importance dans l'histoire.

Côté casting, on est plutôt bien servi également.

Déjà connu pour ses rôles dans Point Break, Dracula et Speed, Keanu Reeves accède à la consécration après quelques années compliquées. Un rôle qui de son propre aveu, quelques temps après, sauvera sa carrière. Pour l'anecdote, le rôle de Neo fut dans un premier temps proposé à Will Smith qui le refusa pour... WILD WILD WEST. Un choix dont l'acteur se mord encore les doigts aujourd'hui...

Révélé au cours des années 90 pour son interprétation d'Ike Turner dans le biopic Tina puis celle d'Othello, Lawrence Fishburne gagne lui aussi sa place à Hollywood grâce à son rôle de Morpheus.

Encore inconnus, Carrie-Anne Moss et Hugo Weaving, interprètes respectifs de Trinity et de l'Agent Smith, voient leurs carrières décoller ici. Un film qui leur ouvrira les portes de nombreuses productions ultérieures.

En seconds rôles remarques, il est important de saluer la prestation de Joe Pantoliano alias Cypher et de Marcus Chong alias Tank.

Les personnages sont tous particulièrement bien travaillés et apportent leur touche à l'histoire : Neo sort de sa vie médiocre et prend à peu conscience de sa place d'Élu, Morpheus nous transmet sa sagesse et son savoir, Trinity nous impressionne par son côté badass, Smith nous régale par son interprétation de grand méchant sans la moindre émotion au parler si précis, Cypher stimule notre réflexion par son personnage qui a décidé de faire machine arrière pour retrouver le confort de la Matrice, et Tank se révèle dans la dernière partie du film.

Dernière grande réussite du film à saluer : sa bande-son, totalement en adéquation avec l'ambiance du film. Futuriste, cyberpunk, stimulante, énergique... Un vrai bijou !

Pour conclure, je qualifierai l'œuvre des Wachowsky de film très en avance sur son temps, tant pour son scénario que pour son ambiance, son rendu visuel et l'utilisation de ses effets spéciaux. Une réussite inattendue dont le succès retentit encore aujourd'hui.

Sir_Stifler
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le 20 déc. 2021

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Sir_Stifler

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