The earth is evil. We don't need to grieve for it.

Melancholia est un film vivant.
Aux thèmes dantesques et sombres de l’apocalypse et de la dépression, Lars Von Trier ne se prend pas au jeu de l'événementiel. Pas de télévision et de présentateur à l’expression grave, pas de journaux aux titres racoleurs, de discours politiques poussifs, ou encore d’espoir de rédemption. Il n’y a pas non plus de morales pompeuses ou de grandes phrases à inscrire sur une plaque de marbre.
Les personnages sont seuls, à la merci du Destin, et vivent seulement dans l’espoir d’un avenir moins sinistre.

Justine (Kirsten Dunst) est une future mariée éblouissante, et elle s’apprête à célébrer luxueusement ce qui est censé être l’évènement le plus heureux de sa vie, en compagnie de son compagnon Jack (Alexander Skarsgård).
Mais un mal indicible semble la ronger. Sa douleur est dissimulée. Ses lèvres se tordent à esquisser un sourire qu’elles n’assument pas. Les promesses d’avenir ne sont qu’insatisfactions et angoisses. Sa famille est présente pour l’événement, mais Justine, en robe de mariée, a pourtant l’impression de déambuler tel un fantôme parmi une foule de *félicitations* et de *meilleurs vœux*, quand ce n’est pas pour entendre de la part de ses proches, implicitement ou non, que sa vie aurait pu être différente si elle avait consentie à des efforts pour remédier au pessimisme de ses sentiments. Elle est désespérément mélancolique.

Claire (Charlotte Gainsbourg), la sœur angoissée de Justine, est mariée à John (Kiefer Sutherland), un homme à la situation professionnelle très confortable. Il est astronome, et la pertinence de ses calculs lui ont apporté une richesse financière conséquente, à tel point qu’il peut se permettre d’organiser le mariage de sa belle-sœur, avec toutefois des réticences.
Elle est mère d’un enfant discret, bien éduqué, qui a tout comme son père adopté un goût certain pour la curiosité scientifique.
Claire connaît des angoisses concernant Melancholia, une planète jusqu’alors caché par le soleil qui va frôler la Terre, la frôler à tel point que l’éventualité d’une collision paraît plausible et divise le monde scientifique.

Esthétiquement, il s’agit d’un tour de force, non pas parce que des millions ont été dépensés dans des effets spéciaux tapent-à-l’oeil, mais parce qu’au contraire, le film affiche une beauté pudique qui n’écoeure pas.
Tristan und Solde, du compositeur allemand Richard Wagner, n’a pas été choisi au hasard pour servir de bande-sonore, car on retrouve dans les deux œuvres le refus d’un bonheur utopique forcé, et la force dramatique de cet opéra sert bien l‘atmosphère du film.
Le tout est filmé très proprement.

Cette simplicité brutale, tragique et inaltérable qui se dégage de Melancholia risque bien de donner de l’eau au moulin de ses détracteurs: il y a peu de matière à la masturbation intellectuelle puisque les thèmes et symboles abordés sont assez évidents à repérer. Pourtant, sous leurs yeux ébahis, Lars Von Trier arrive à accomplir ce tour de cinéma, qui est d‘extirper de véritables moments de beauté aux tripes de la dépression et de la peur, très humaine, du malheur prochain et de la mort.
Et les acteurs, tous excellents, se montrent à la hauteur de ces ambitions, Charlotte Gainsbourg et Kirsten Dunst formant un duo improbable qui fonctionne très bien.
Fakyre
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le 11 mars 2014

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