Avant le prochain souvenir...

Memento demeure sans conteste le film de Christopher Nolan le plus difficile à suivre dans sa narration, et certainement l'un des scénarios les plus alambiqués de la production cinématographique de ces 20 dernières années.

Brillamment construit le second long métrage de Nolan évite partiellement le piège de la démonstration théorique, écueil dans lesquels tomberont par la suite certains autres films du cinéaste ( notamment Inception et surtout Interstellar, deux morceaux de cinéma pourtant remarquables à bien d'autres égards...). Puissamment réflexif Memento s'inscrit pleinement dans le registre du polar et retrace la trajectoire de Leonard Shelby, un individu frappé d'amnésie immédiate et de fait inéluctablement tourné vers un avenir qu'il cherchera à réécrire encore et encore...

Autant dire que ce bijou scénaristique s'avère pour le moins déroutant et redoutablement vertigineux, nivelant vers le haut une mise en scène un brin fonctionnelle mais toujours au service du récit. Nébuleuse l'intrigue nous laisse découvrir pas à pas, séquence après séquence ce qui amène le protagoniste à commettre l'irréparable énoncé par Nolan dès les premières minutes.

Sans être réellement agréable à suivre dans son déroulement Memento reste pourtant tout à fait stimulant sur le plan purement factuel : ainsi le montage imbrique intelligemment deux lignes narratives, l'une chronologique et l'autre antéchronologique. Mettant à l'épreuve notre capacité de concentration Memento développe avec un soin retors une prodigieuse affaire de manipulation mentale mêlée de transferts psychologiques et d'affabulations involontaires.

Hautement maîtrisé dans ce qu'il cherche à raconter, certes moins renversant d'un point de vue purement formel et/ou technique Memento n'en demeure pas moins remarquablement incarné par ses interprètes, Guy Pearce, Joe Pantoliano et Carrie-Anne Moss principalement. Un incontournable.