MES PROVINCIALES (14,8) (Jean-Paul Civeyrac, FRA, 2018, 137min) :
Magnifique ode à la jeunesse à travers le portrait d'un jeune apprenti cinéaste qui monte à la capitale pour assouvir ces rêves idéalistes de cinéma. Jean-Paul Civeyrac offre une élégante mise en scène classique drapée dans un superbe noir et blanc intemporel pour mieux soutenir la quête existentielle, l'apprentissage, les doutes créatifs et les marivaudages amoureux des jeunes gens d'aujourd'hui au milieu de Paris, confrontés aux mêmes tourments intemporels que leurs illustres références Bresson, Dreyer, Eustache, Garrel, en brocardant parfois de manière trop binaire l'art dégénéré d'un Fincher, Argento ou autres Verhoeven.
Un récit d'apprentissage chapitré de manière littéraire post-Nouvelle Vague que l'on peut facilement imaginer assez autobiographique, où la perte des illusions mêle la vie rêvée avec la compromission de la vie vécue. Une interrogation exigeante relatif à l'existence et la précisément à l'art cinématographique, ou comment mettre en accord ce que l'on dit avec ce que l'on fait comme l'évoque Etienne personnage principal qui se réfère au livre de Blaise Pascal Les Provinciales (1657). La narration romanesque fluide grâce à d'harmonieux fondus enchaînés et pertinentes ellipses temporelles apportent une touche romantique à l'œuvre et accompagne le passage à l'âge adulte. Une sorte d'éducation sentimentale où se mélange l'amour pur pour le cinéma, l'amour et la sexualité plus désinvolte de la jeunesse, l'amitié, sans occulter les questions politiques et sociétales de notre époque (FEMEN, ZAD, élection présidentielle de 2017...) rendant le film contemporain.
Une œuvre riche, dense et ample parfois un peu solennelle par l'utilisation de morceaux de musique classique de Bach et le sublime passage Adagettio de la Symphonie N°5 de Gustav Mahler (utilisé dans le chef-d'œuvre Mort à Venise (1971) de Luchino Visconti . Un long métrage en forme de déclaration d'amour au cinéma porté par une troupe de comédiens incandescents : Andranic Manet, Diane Rouxel, Gonzague Van Bervesselès, Corentin Fila, Jenna Thiam, Nicolas Bouchaud, Sophie Verbeeck notamment d'une justesse de tons épatante et filmée avec beaucoup d'empathie.
Venez accompagner cette jeunesse entre insouciance, intransigeance, réalisme et concessions où les nostalgiques fantômes littéraires et cinéphiles viennent transcender le vivant Mes Provinciales. Attachant. Vibrant. Mélancolique.