Une jeune femme, magnifiquement interprétée par Sara Forestier (que personnellement j'adore), se trouve en prise avec un héritage douloureux. Le père est mort, laissant la jeune femme à son sentiment de rejet, à celui d'être méprisée et incomprise. D'autant plus que le père avait promis de lui laisser le piano familial, promesse non tenue. Elle est donc traversée d'une lourde révolte qui trouvera son expiation au travers du corps d'un autre, un homme chez qui elle a d'abord passé une nuit platonique sur fond, cependant, de tension sexuelle.
Tout le film est le récit éminemment corporel, charnel de leur affrontement. Un affrontement complexe, en lequel réside l'intérêt du film. La jeune femme, emplie de colère inexprimée, doit affirmer à l'encontre d'un partenaire de jeu zélé son besoin d'exister et d'être reconnue. « A l'encontre », certes, mais « avec » également. La jeune femme est une force qui a besoin de s'éprouver à l'endroit d'une force reconnue : il lui faut un adversaire à sa taille, une résistance authentique qui réponde à son désir d'affirmation. Dès lors, l'équation n'est pas simple : il faut affronter, violenter, mais sans détruire et sans être vaincue. La relation sado-masochiste qui s'instaure a besoin de mesure, d'un cadre et de règles. Les deux partenaires ne sont pas dupes d'eux-mêmes, et c'est ce qui va permettre à la relation d'évoluer. L'homme incarne d'abord la figure du père, devant lequel il faut exister. Mais l'homme comme la femme ne souhaitent pas l'enfermement dans cette figure mortifère. Elle semble néanmoins nécessaire, en ce qu'elle permet tout de même aux partenaires de se jauger. Quand les deux forces se seront reconnues, elles pourront évoluer à une autre figure, permettant à la tension sexuelle de se libérer. Les partenaires peuvent alors coucher ensemble, mais toujours de manière sado-masochiste : il s'agit de se faire mal pour se faire du bien. Les deux personnalités en présence ne sont pas capables de se donner et d'accueillir autrement. La problématique sado-masochiste reçoit ici un beau traitement, tant du point de vue esthétique où la caméra épouse de près et parfaitement les soubresauts et les chocs des corps, que du point de vue intellectuel avec des réflexions assez profondes. Quelle limite au désir sexuel en général, et au désir sado-masochiste en particulier ? Comment vaincre en équilibre ? Le désir, conduit par la négation de l'autre, devra-t-il finir en se niant lui-même ? Peut-on désirer ainsi et aimer ?
Mais en se violentant, les corps et les cœurs s'apprivoisent. La jeune femme, reconnue comme force par celui qu'elle estime, et désormais en confiance, commence par (s')avouer l'amour qu'elle porte. Tout ce qui la traverse, c'est aussi de l'amour. L'amour comme résultat de la bataille, de la conquête, et la bataille elle-même. Mais au moment de l'aveu, l'acceptation est encore en cours, encore à faire. Se révéler comme amoureuse, là aussi ça fait mal, c'est douloureux. Les cris et les chocs suivent encore, dans l'harmonie d'un corps-à-corps qui met à mal l'oxymore.