Un Ghibli qui aurait gagné à être plus travaillé malgré ses qualités
Si l'on sait qu'il s'agit d'une adaptation de manga, remettre en cause les scénaristes ne peut rien changer. Toutefois quand on sait aussi que les différences entre papier & animation peuvent forcer à dériver quelques idées, on se demande pourquoi Takahata, réalisateur du film, s'est contenté de retranscrire quelques sketches sans grand intérêt.
Certes, le style graphique peut paraître brouillon au premier abord, mais le but premier était de retranscrire autant que faire se peut le dessin du manga originel : on constate d'ailleurs par la suite que l'animation est très fluide & certains passages, comme la marche sous la pluie, sont magnifiques. C'est un parti pris, & que l'on apprécie ou non, c'est subjectif à ce niveau-là. Pour ma part, cela ne m'a guère dérangé, l'impression de simplicité du film englobant ce trait en particulier.
Car c'est sur ce critère précis que repose l'ensemble de l'oeuvre : la simplicité. Les Yamada, c'est avant tout une famille japonaise des plus banales. Après nous avoir présenté brièvement chaque personnage de cette famille farfelue, on nous laisse la découvrir sous des aspects ordinaires, des morceaux de vie décousus, parfois intimes, parfois drôles, mais visant toujours une simplicité absolue. Ainsi, le spectateur peut aisément se reconnaître à travers l'un des Yamada.
& c'est sans prétention que des sketches plus ou moins longs, plus ou moins passionnants, plus ou moins intéressants, sont servis tout au long du film. Ceux-ci, portés par des haïkus d'une beauté éblouissante si l'on est amateur (& toute relative si l'on y est indifférent), font part des complications de la vie conjugale, familiale (disputes entre mari & femme, complicité entre mère & fille, difficultés liées au métier du père & aux études du fils, etc.), tout en étant entrecoupés par des saynètes ou des anecdotes portant chaque fois à réflexion.
Seulement voilà, le film, bien que poétique, finit vite par tourner en rond : certaines scènes sont longues & sans intérêt, d'autres sont moralisatrices, laissant par-là même un arrière-goût quant à une certaine influence occidentale. On peut aussi regretter que le psychédélisme dont fait preuve Takahata & son âme artistique n'aillent pas au-delà de la simplicité qu'il désirait pour son film : lorsqu'on voit les premières scènes illustrant la naissance du couple, puis de la famille, servies par une abstraction fabuleuse, on s'attend à ce que ça aille plus loin ; toutefois Takahata a désiré marquer le contraste de la banalité que toute famille atteint au bout d'un moment avec ces instants merveilleux pendant lesquels cette même famille se découvre & se construit sous des jours chaque fois nouveaux.
Le final est joyeux, optimiste & concluant. Malgré ses quelques moments ennuyeux, on se rend bien compte que "Mes Voisins les Yamada" est une oeuvre réussie, avec l'impact espéré.
Néanmoins ce n'est pas sans une légère déception qu'on repense à cette oeuvre, qui avait les moyens & l'imagination d'aller encore plus loin dans l'exploration familiale.