Avec les second et troisième Vendredi 13, Steve Miner installe les fondamentaux d’une saga lancée par un premier opus minable signé Cunningham. Vendredi 13 chapitre 3 marque la validation du statut mythologique de Jason Voorhes, puisque c’est dans cet opus que le tueur de Crystal Lake abandonne son sac à patates de circonstances pour enfiler l’improbable masque de hockey qui marquera l’imagerie horrifique des 80’s. Même s’il est appelé à définitivement manquer de charisme (parce qu’il n’a qu’une hache -bientôt une machette- en guise d’identité), le Tueur prend forme et assurance. Un détail insensé : alors que Le Tueur du Vendredi (Chapitre 2) commençait par un résumé du premier opus, Meurtres en 3D (aussi nommé Le tueur du vendredi partie 2) démarre tout bonnement sur les 10 dernières minutes de son prédécesseur, carrément reprises dans leur intégralité.


Meurtres en 3 Dimensions, tout un programme ! En vérité, juste une façon plus attractive de présenter la soupe (et une mode revenue au goût du jour vers 2009). Le pitsch et ses avatars sont toujours les mêmes : campagne, regroupement juvénile, douce odeur des printemps-été qui chantent, atmosphère de vacances agrémentée d’options ludiques et illégales… Le film s’essaie à une sorte de sociologie teintée d’ironie (les seuls méchants de service sont motards blacks dans ce village paumé ; c’est ni du racisme ni du second degré, simplement une caricature neutre) mais cette vague prétention ne peut dissimuler combien il ne s’agit que d’un gros teen-movie dégoulinant aux motivations folkloriques et aux sous-entendus (très entendus) graveleux.


Le désir prégnant sur cet opus de ‘faire jeune’ entraîne la saga vers les tréfonds de la médiocrité. Or on dirait désespérément un téléfilm ‘jeune’ de France3 (support de Plus Belle la Vie) qui se mettrait au slasher, avec la même imagerie, l’énergie éreintée par une atmosphère sans aucune saveur, sinon celle d’un exotisme champêtre passant la frontière du paillard. Ce n’est jamais qu’une variante des Sous-doués, la couche horrifique en plus. Ce sont les mêmes potacheries, les mêmes délires de jeunesses hyper balisés mais pourtant vécus comme le comble de l’éclate par ces jeunes beaux et roses bonbons ne sachant parler et de façon ô combien conventionnelle, que de cul. Ils sont couplés avec des moins jeunes aux cheveux longs et fumant des pétards, habillés comme des ploucs révolutionnaires, censés répondre pour cela au nom de ‘hippies’. Tous arrivent bientôt dans une maison en bois ; les affaires de Jason vont pouvoir commencer.


Ainsi après une demie-heure de bavardages, les meurtres bourrins et simplets commencent mollement. Eux-mêmes sont sans imagination, contrairement à certains Vendredi 13 à venir ; amateur des variantes d’enfourchages, régalez-vous. Le personnage de Jason se précise : il est plus déterminé et s’avère réellement attardé. Au bout d’une heure, il apparaît avec un masque de hockey, qu’il conservera pendant toute la saga. C’est d’ailleurs l’occasion de tirer dans l’œil d’une innocente avec petit flash 3D à la clé. Le problème de Jason, c’est son manque de crédibilité et son absence de charisme ; sa nature n’est pas tout à fait invraisemblable mais sa démarche de vieillard fatigué impose un décalage inapproprié. Sous le masque, on imagine Michel Houellebecq engagé dans un rôle qui l’emmerde mais qu’il exécute, forcément, en attendant.


La décence qualitative du 2e opus est déjà une affaire ancienne et lointaine, ce troisième opus revenant quasiment au niveau du premier. Il se montre toutefois plus divertissant à l’usure et relativement créatif dans sa bêtise. Ce résultat ludique et troupier renvoie même aux Freddy, dont la saga démarrera quelques années plus tard.Les prétextes ont une relative validité logique et les personnages sont moins mongoliens que dans le premier, leurs réactions étant stupides ou lentes mais pas d’une aberration contre-nature. D’ailleurs les jeunes dévergondés en sont définitivement cette fois, justifiant l’avènement d’un humour grivois exécrable. Malheureusement Steve Miner a bien trop le regard tourné sur Vendredi 13 et cumule les archétypes nullissimes de ce dernier à ses propres initiatives foireuses. Il propose d’ailleurs son reboot de la scène de la barque et sa relève du vieux fou de service annonçant en vain la menace.


L’ultime partie du film se veut frontale, puisque Jason, après l’avoir assiégée, investi la demeure des jeunes. Il y avance souvent à visage découvert, ce visage seulement aperçu dans le second opus. C’est très obscène : fini l’elephant man, bienvenue au faciès de trisomique sadique et bienheureux. On relève une maîtrise certaine dans le copier-collage, dans l’application des règles de l’art du »slasher-type » ; ce classicisme confine à la parodie. Au moins, cette partie rentre-dedans a le mérite d’amuser (la camionnette), parfois franchement si l’on veut bien s’y donner. D’ailleurs le rire de l’auditoire faisait peut-être partie du contrat ; les spectateurs de l’époque venaient aussi voir le film pour se détendre, Jason apparaissait comme l’incarnation d’un fantasme lié aux saturations triviales du quotidien. Le fameux dernier quart-d’heure, véritable climax de la chose, constitue en une course finale aussi trépidante qu’un Derrick en mode footing et aussi inquiétante qu’un Oui-Oui croisé avec un Tex Avery. La scène ultime laisse toutefois sur une vision intéressante pour la »mythologie » [faisant de nous la proie du doute], potentiellement traumatisante si on a moins de dix ans.


https://zogarok.wordpress.com/2015/10/30/la-saga-vendredi-13/

Zogarok

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