Ou pourquoi selon moi, il s’agit du chef d’œuvre absolu de Michael Mann…
J’entends déjà certains hurler, qu’il n’y aura rien de plus culte que le face-à-face de De Niro et Pacino dans Heat. OK, je ne remets pas en cause l’excellence de Heat et de son casting exceptionnel, tout comme le fait que j’ai adoré Collateral et l’impeccable performance de Tom Cruise, à qui le gris va si bien dans une nuit chargée. Michael Mann est un réalisateur un peu à part : ces films sont souvent des chefs d’œuvre, salués par la critique et boudés par le public. Capable de l’excellence (Heat, Collateral, le Dernier des Mohicans) comme du moyen (Ali) et du très bof (Public Ennemies, où je me suis littéralement ennuyé), je trouve que Miami Vice est une apothéose dans sa carrière.
Cinéaste de genre sur des films hollywoodiens mais qui se veulent indépendants, il n’en demeure pas moins que selon moi, son vrai style de film de prédilection est le thriller. C’est dans ce genre où le cinéaste s’épanouit le mieux et par extension, où le public y prend le plus de plaisir. Heat et Collateral ne sont pas en haut du podium pour rien. Véritable créateur d’ambiance, il revient à ses débuts avec l’adaptation cinématographique de Miami Vice puisque ce dernier était producteur de la série éponyme. De la série, il n’y a pas grand-chose qui reste mis à part les noms des personnages et un scénario réécrit (l’épisode 15 de la saison 1). Mais n’ayant pas suivi la série, ça ne m’a pas dérangé outre mesure.
Miami Vice, le film, est principalement connu pour ses déboires lors du tournage : un tournage bien difficile, bousculé par un combat d’égo entre les 2 stars du film, Colin Farrell et Jamie Foxx. A ça s’ajoute l’irruption sur le plateau d’un inconnu armé qui donne lieu à une fusillade. Puis à l’hospitalisation de Colin Farrell pour cause d’épuisement (et surtout de dépendance à certains médicaments…). Et pourtant, rien ne transparaît à l’écran… La magie du cinéma, peut-être, mais le grand talent de Michael Mann sans aucun doute !
Les 2 personnages principaux, les inspecteurs James « Sonny » Crockett et Ricardo Tubbs, font preuve d’une complicité incroyable. Nous sommes face à un duo dans toute sa splendeur, où chacun semble pouvoir surgir à tout moment pour se sacrifier pour l’autre et ce, malgré les caractères différents des personnages. A tel point que les différents entre les acteurs semblent difficiles à croire. Cette complicité est visible par de subtiles petits gestes disséminés tout au long du film : des petites tapes « poing contre poing », des échanges de regard lourds de sens (le plus poignant étant cet échange de regard juste avant la fusillade finale). Rien qu’au travers de ce petit geste, de longs discours paraissent inutiles et fades : ils savent qu’ils risquent leurs peaux, qu’il y a peu de chance qu’ils s’en sortent mais ils montrent une confiance et un respect mutuel au point où chacun confierait sa vie à l’autre. Seul Michael Mann aujourd’hui arrive à faire passer autant d’émotions au travers d’un simple regard. Je trouve ça magnifique.
Les seconds rôles, des méchants Luis "Montoya" Tosar et John "Jose Yero" Ortiz en passant par le respectueux et respecté lieutenant Castillo (Barry Shabaka Henley) et jusqu’à l’ambigü Gong Li, tous sont impeccables et sont là pour avant tout sublimer ce duo et renforcer la complicité des 2 inspecteurs. Pour reprendre une phrase de Bad Boys : « on roule ensemble, on meurt ensemble : bad boys pour la vie ». Ca résume bien la situation : ils sont collègues, amis et frères.
Quant au personnage principal, elle est sublime et sublimée par le réalisateur. Car oui, Miami EST le personnage principal du film. Ça n’est pas une ville, c’est une entité vivante dans laquelle évoluent Sonny et Ricardo. Elle est tour à tour poisseuse, sale, magnifique, merveilleuse… les adjectifs ne manquent pas mais il n’y a pas un plan de Miami qui laisse indifférent. Ça commence par la scène d’introduction qui commence dans la boîte, avec Numb qui résonne, et qui se termine sur le toit, avec une vue plongeante sur elle. Les cues aériennes du pont où se joue la scène d’Alonzo. Les eaux territoriales qui longent la côte. Le lieu de rendez-vous pour l’échange de drogue. Les docks de la scène finale. Chaque lieu est minutieusement choisi et préparé pour être magnifié par Michael Mann, qui utilisera de différentes caméras et de différents effets pour rendre les plans léchés au maximum et donner l’ambiance qui sera en parfaite adéquation avec l’action qui s’y déroulera. Il ne laisse rien au hasard.
C’est ce sentiment de maîtrise à la perfection de son environnements et de ses acteurs qui me font dire que nous tenons là le chef d’œuvre de Michael Mann. C’est comme si il n’y avait eu aucune intervention des producteurs, du monteur, de la censure ou de qui que ce soit d’autre : le réalisateur a l’air d’être le seul maître à bord et il semble qu’il ait été complètement libre de soigner et de peaufiner chaque détail à l’extrême. Bien sûr, j’attends avec impatience Hacker, son prochain film, mais je ne pense pas voir ce niveau atteint une nouvelle fois.
On dit que chacun se fait une vision différente d’un film non pas à partir uniquement du film mais aussi de par l’état d’esprit dans lequel il le regarde, toutes les circonstances annexes qui vont influer fatalement sur son expérience cinématographique. Et c’est vrai pour moi pour beaucoup, voir tous les films que j’ai pu voir jusqu’à présent (je serai capable de dire pour chacun dans quel état d’esprit j’abordais le film, des situations personnelles du moment, etc…). Un peu comme une musique vous rappelle un moment précis de votre vie. Ce film est l’exception qui confirme la règle : je n’ai aucun souvenir de mon état d’esprit lors de sa première vision. Je ne sais plus si c’était au cinéma ou à la télé, je ne sais plus si j’étais seul ou accompagné. Je ne me rappelle que d’une chose : d’être face à un des meilleurs thriller qu’il m’était donné de voir et de vouloir profiter de chaque minute de film comme si elle allait durer une éternité.