En lisant le résumé du film, on pouvait s'attendre à une épopée romanesque, à un film épique, à l'histoire d'un soulèvement populaire. On pouvait s'attendre à un film dans la lignée des Raisins de la colère ou à un nouveau Robin des bois. Mais non. Pour moi il ne s'agit pas d'un film collectif, ce n'est pas l'histoire de la révolte d'une bande menée par un justicier du peuple. À mes yeux, ici c'est plutôt l'histoire d'un homme, de sa lutte intérieure entre amour, orgueil, foi et justice. Et pour qu'un film finalement aussi peu narratif et aussi centré sur l'introspection puisse fonctionner, il fallait un acteur de grande envergure. Le choix a été bon : Mads Mikkelsen semble possédé par son rôle tant il est investi. Il fait partie de ces acteurs qui transcendent leurs personnages, qui leur donnent une substance, qui les font exister en dehors de l'histoire dans laquelle ils évoluent. Arnaud des Pallières n'a pas seulement choisi le bon acteur pour son adaptation du roman d'Heinrich von Kleist. Il a aussi choisi un parti pris intéressant : il ne semble pas aveuglé par l'aura du personnage qu'il met en scène. Il nous présente dans ce film l'histoire d'un anti-héros, un héros humain et incertain. Ce qui est troublant et qui fait la force du film, c'est qu'on ne sait pas vraiment quoi penser de cet homme froid, presque impassible, prêt à tout pour que sa vision de la justice soit respectée mais finalement plein de questions sur ses propres actes. Si peu de personnages secondaires prennent réellement de l'importance dans ce film très intimiste, il y en a tout de même certains qui viennent ébranler le héros, le heurter. Les remarques du pasteur, qui mettent Kohlhaas face à ses propres contradictions, sont d'autant plus déstabilisantes qu'elles ne se noient pas dans un flot de dialogues. Les personnages sont rares mais subtilement choisis, ils parlent peu, mais ils parlent bien. En fait, dans ce film on se pose plus de questions qu'on n'obtient de réponses. Ce n'est pas un film qui nous impose une vision, on ne nous dit pas « aime le héros », on nous laisse juste la possibilité de nous mettre à sa place, de nous questionner comme il semble être en train de le faire. Grâce à sa présence sincère, intense et troublante, Mikkelsen nous fait comprendre que cette histoire est celle d'un homme qui ne peut plus reculer, qui n'a pas le choix et pour qui les principes et la droiture sont autant un refuge qu'un étendard. Finalement, cette vengeance n'est pas sublimée, elle a plutôt l'air triste et douloureuse. Bref, ce film dispose d'un véritable climat qui tord les tripes et qui noue le cœur. On ne nous cache pas grand chose, on ne nous épargne rien, et à la fin on nous laisse en plein cinéma, bouleversés par une scène de clôture en face à face avec le regard intense d'un homme qui s'apprête, enfin, à obtenir justice...
Anna_M
9
Écrit par

Créée

le 13 nov. 2014

Critique lue 228 fois

Anna_M

Écrit par

Critique lue 228 fois

D'autres avis sur Michael Kohlhaas

Michael Kohlhaas
Gothic
6

Cévennes Nation Army

HONNEUR (C'ETAIT LES CORONS) Michael Kohlhaas, ou l'histoire d'un éleveur d'équidés qui prospère (youp'la boum), et qui pour une question d'honneur, va tout risquer, et faire face à un baron zélé...

le 9 sept. 2013

68 j'aime

37

Michael Kohlhaas
Rawi
7

Critique de Michael Kohlhaas par Rawi

Michael Kohlaas n'est pas un Conan des années 2010 avec un acteur, un vrai en lieu et place de Schwarzy Mr Muscle ! Bon, je l'aime bien governator mais bon Mads qui montre ses fesses en sortant de...

Par

le 17 août 2013

59 j'aime

12

Michael Kohlhaas
Sergent_Pepper
8

Votre arme est un paysage choisi.

Il suffit à la caméra de s’attarder sur le visage de Mads Mikkelsen pour que le sombre charme opère : un personnage, une intention, une violence latente, tout l’amour du monde, aussi, vibrent dans...

le 30 mars 2016

52 j'aime

3

Du même critique

Les Quatre Cents Coups
Anna_M
4

Critique de Les Quatre Cents Coups par Anna_M

Film sympa d'un point de vue historique : il nous plonge dans l'éducation (scolaire et familiale) des années 60 et le rapport enfants-parents encore très impersonnel à l'époque. De plus les jeunes...

le 12 nov. 2014

17 j'aime

2

La Femme d'à côté
Anna_M
5

Critique de La Femme d'à côté par Anna_M

Ah, Truffaut et ses histoires d'amour impossible ! Si Jules et Jim m'avait complètement transportée, La femme d'à côté ne m'a pas vraiment touchée. Je ne sais pas, quelque chose manque. Je trouve...

le 13 nov. 2014

15 j'aime

Summer of Sam
Anna_M
10

Critique de Summer of Sam par Anna_M

Depuis le temps que j'avais envie de voir un film jouissif ! Je ne pouvais pas être mieux servie. Summer of Sam est mon préféré des 3 films de Spike Lee que j'ai vus pour l'instant (et la barre était...

le 13 nov. 2014

8 j'aime

1