Michael Kohlhaas par Anna_M
En lisant le résumé du film, on pouvait s'attendre à une épopée romanesque, à un film épique, à l'histoire d'un soulèvement populaire. On pouvait s'attendre à un film dans la lignée des Raisins de la colère ou à un nouveau Robin des bois. Mais non. Pour moi il ne s'agit pas d'un film collectif, ce n'est pas l'histoire de la révolte d'une bande menée par un justicier du peuple. À mes yeux, ici c'est plutôt l'histoire d'un homme, de sa lutte intérieure entre amour, orgueil, foi et justice. Et pour qu'un film finalement aussi peu narratif et aussi centré sur l'introspection puisse fonctionner, il fallait un acteur de grande envergure. Le choix a été bon : Mads Mikkelsen semble possédé par son rôle tant il est investi. Il fait partie de ces acteurs qui transcendent leurs personnages, qui leur donnent une substance, qui les font exister en dehors de l'histoire dans laquelle ils évoluent. Arnaud des Pallières n'a pas seulement choisi le bon acteur pour son adaptation du roman d'Heinrich von Kleist. Il a aussi choisi un parti pris intéressant : il ne semble pas aveuglé par l'aura du personnage qu'il met en scène. Il nous présente dans ce film l'histoire d'un anti-héros, un héros humain et incertain. Ce qui est troublant et qui fait la force du film, c'est qu'on ne sait pas vraiment quoi penser de cet homme froid, presque impassible, prêt à tout pour que sa vision de la justice soit respectée mais finalement plein de questions sur ses propres actes. Si peu de personnages secondaires prennent réellement de l'importance dans ce film très intimiste, il y en a tout de même certains qui viennent ébranler le héros, le heurter. Les remarques du pasteur, qui mettent Kohlhaas face à ses propres contradictions, sont d'autant plus déstabilisantes qu'elles ne se noient pas dans un flot de dialogues. Les personnages sont rares mais subtilement choisis, ils parlent peu, mais ils parlent bien. En fait, dans ce film on se pose plus de questions qu'on n'obtient de réponses. Ce n'est pas un film qui nous impose une vision, on ne nous dit pas « aime le héros », on nous laisse juste la possibilité de nous mettre à sa place, de nous questionner comme il semble être en train de le faire. Grâce à sa présence sincère, intense et troublante, Mikkelsen nous fait comprendre que cette histoire est celle d'un homme qui ne peut plus reculer, qui n'a pas le choix et pour qui les principes et la droiture sont autant un refuge qu'un étendard. Finalement, cette vengeance n'est pas sublimée, elle a plutôt l'air triste et douloureuse. Bref, ce film dispose d'un véritable climat qui tord les tripes et qui noue le cœur. On ne nous cache pas grand chose, on ne nous épargne rien, et à la fin on nous laisse en plein cinéma, bouleversés par une scène de clôture en face à face avec le regard intense d'un homme qui s'apprête, enfin, à obtenir justice...