Road movie SF sous influence Spielbergienne, Midnight Special est un film sur la paternité qui se permet de livrer une relecture du mythe christique. Après trois premiers longs plutôt réussis, Jeff Nichols revient avec son acteur fétiche, impeccable Michael Shannon, pour un film encore hanté par les responsabilités du père et la quête du fils. A travers cette fuite où l'espoir est le seul carburant, on retrouve un homme dépassé qui décide de replacer sa responsabilité de père au-dessus de tout le reste.


Comme d'habitude avec Nichols, une zone de flou stagne sur la périphérie narrative. Le film est toujours sujet à interprétation et laisse de la place pour titiller l'intelligence du spectateur. On suit avec plaisir, et angoisse, la fuite de Alton, enfant messie exfiltré d'une communauté religieuse par son père Roy et son ami d'enfance Lucas. Pour faire grimper l'aiguille du stressomètre, on fait fait appel au FBI, à la NSA et à deux quidam de la communauté pour se lancer à leur poursuite. Si le déroulé du film est des plus classiques, une bête course poursuite à travers plusieurs états, le véritable intérêt se dévoile ailleurs. Les personnages peuvent paraître fade et assez peu développés mais Nichols joue sur la peur primaire parentale. On gardera d'ailleurs en mémoire cette phrase de Roy pour son fils :  J  'aime me faire du soucis pour toi. On ressent les nuances qui animent Roy, ce père, culpabilisé d'avoir laissé son fils adopté et éduqué par le « gourou » de la communauté. Décidant enfin d'assumer son statut de père, il enlève son fils et le guide vers l'avenir qui semble le mieux pour lui. Cette relation entre le père et l'enfant pose les bases d'un film sain où chacun apprend de l'autre, ou chacun aide l'autre.Il n'y a pas qu'un responsable, il y a une confiance tacite, une foi, qui se renforce à chaque épreuve traversée.


Difficile d'exister autour de ce duo gravitationnel. Pourtant, le reste du casting avait de quoi donner du répondant. Kristen Dunst en mère courage, s'offrant un magnifique sourire en guise d'adieu et de renaissance, Joel Edgerton, masse physique, « éclairé » par le destin du jeune Alton, Adam Driver, scientifique illuminé mais bienveillant, lui aussi touché par la lumière Dalton. Tous ces satellites ne sont pas livrés avec assez de masse pour sortir le film de son orbite. Mais s'ils peinent à exister, c'est pour mieux mettre en avant la figure principale de l’œuvre, Alton le fils prodige. Érigé en véritable figure messianique, Alton emprunte autant à la culture SF qu'au nouveau testament. Petite chose fragile et dépendante, son évolution passe par les différentes étapes christiques : mort, renaissance et immortalité. Comme évoqué précédemment, les personnages apôtres qui gravitent autour de lui se convertissent une fois exposés à sa lumière révélatrice. Cette interprétation, que bon nombre d'entre vous pourront réfuter vainement (j'ai également perçu la Vérité dans l’œil d'Alton), atteint son point culminant dans un final céleste où une civilisation paradisiaque se superpose sur notre réalité. Ce monde parallèle, que Alton doit rejoindre pour accomplir sa destiné, est habité par des êtres de lumières que n'aurait pas renié Gabriel, Samael et toute leur bande d'emplumés. Quant à l'ultime image du film où l'on voit un Roy au regard incandescent, on s'interroge sur l'aspect contagieux du phénomène. Est-ce le père qui a transmis sa lumière au fils au le fils qui a éveillé le père ? Plus simplement, serait-ce un teaser pour le prochain X-men avec Michael Shannon dans le rôle de Cyclope ? Que dire également de ces architectures aériennes, osmose d'éther et de végétation, à la croisée du spirituel et de l'éco harmonie ?


En conclusion, encore un bon film pour Jeff Nichols qui continue son travail sur la relation père/fils. Servit par une distribution solide, une mise en scène épurée mais accrocheuse ( superbe scène de la chute de Lucif... du satellite) et une musique envoûtante, Midnight special ne pèche que par certaines longueurs contemplatives et un trop grand classicisme dans sa narration. Rendez-vous pris pour Loving, monsieur Nichols.

Alyson_Jensen
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Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste 2016. Entre chefs d'œuvre et nanars, petit ou grand écran.

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le 22 sept. 2016

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Alyson Jensen

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