Jeff Nichols est l'un des cinéastes les plus talentueux de sa génération. Il suffit de regarder Mud – Sur les rives du Mississipi (son précédent film) pour en être persuadé. Nichols a compris les mécanismes et la finalité du cinéma. Il sait quand et comment lui injecter la dose adéquate de magie et d’intemporalité qui nous permettra, à nous spectateurs, de nous évader de la réalité. Le génie du dosage, le Walter White du 7ème Art, nous livre cette année son 4ème long métrage intitulé Midnight Special, un film de science-fiction où le héro « extraterrestre » en fuite est poursuivi par le FBI – un schéma scénaristique hyper classique depuis le E.T. de Spielberg. C’est grossièrement le résumé qu’on peut trouver sur allociné mais dans les faits, Midnight Special est tout autre.


Il serait trompeur de le réduire à un simple film de science-fiction étant donné que cela n’est pas réellement le propos. Les éléments fantastiques invoqués ici ne sont que des prétextes, utilisés pour donner une dimension plus ludique à la véritable histoire du scénario : celle de ce père (interprété par Michael Shannon) qui est prêt à tout pour son fils. C’est bel et bien dans les moments d’intimité, dans les nombreuses scènes se déroulant dans la voiture, que Jeff Nichols nous (re)montre l’étendu de son talent. Les scènes plus fantastiques, je pense par exemple à celle où un satellite s’écrase sur une station service, ne sont qu’artifices. Jeff Nichols rend hommage à ce genre bien particulier de science-fiction mais ne s’y trompe pas, ce n’est que la toile de fond de son œuvre. Aucune véritable « explication » n’est d’ailleurs donnée au spectateur. Même la dernière partie du film, qui nous montre brièvement ce qui est sous entendu depuis le début, entraine plus de nouvelles questions que de réponses. Midnight Special est un film sur la foi. La foi que la plupart des personnages du film semble avoir en Alton, ce jeune garçon aux pouvoirs extraordinaires. Une foi aveugle et inébranlable. « Il est plus important » nous répète-t-on. Mais pourquoi est-il plus important ? Pour son père on comprend, pour sa mère (la géniale Kirsten Dunst) également. Mais pourquoi le personnage Joel Edgerton a tout laissé tomber pour aider Alton à fuir ? Pourquoi l’Agent Sévier (un expert du FBI interprété par Adam Driver) se compromet-il pour ce jeune inconnu ? Nous n’en saurons rien. C’est très frustrant, mais c’est la foi. Il n’y a pas de réponses à tout dans ce domaine, l’important est de croire. Donc on y croit, on est bien obligé pour suivre le film correctement, mais force est de constater qu’on reste sur notre faim une fois la séance terminée. Finalement, on regrette même un peu que Jeff Nichols se soit aventuré dans ce genre de science-fiction. Son film n’est jamais aussi somptueux, aussi magique, que lorsqu’il se limite à nous montrer ce jeune garçon avec ses lunettes de piscine sur la tête, que lorsqu’il nous montre cette voiture, tous feux éteints, filer à tout allure dans la campagne nocturne. Jeff Nichols sait injecter de la magie et de l’intemporalité à ses films, il n’a vraiment pas besoin de la science-fiction pour ça.


Critique complète sur le Coin du Cinéphile :
http://www.lecoinducinephile.fr/midnight-special/

Louis_Bouteiller
6

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Créée

le 3 mars 2016

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