Midnight Special met une nouvelle fois en exergue le don de Jeff Nichols : raconter des histoires extraordinaires mettant en scène Monsieur-tout-le-monde.
On retrouve l'Amérique rurale déjà présente dans Take Shelter et Mud, la toute puissance d'une Nature sauvage et profonde, qui est autant celle de la Terre que celle de l'Homme.


Roy Tomlin (interprété par le mutique Michael Shannon) est le père d'un enfant "spécial", Alton, qui, lors de violentes crises, entre en connexion avec les êtres et le monde qui l'entoure, recevant ou délivrant des messages prophétiques.
Vite considéré comme un messie dans la petite communauté du Ranch, l'enfant est kidnappé par son propre père, qui ne supporte pas l'instrumentalisation d'Alton à des fins religieuses.
Aidé par un ami proche, ce père est résolu à dissimuler l'enfant aux yeux de tous, pour l'aider à accomplir un rituel dont on ne connaît pas la teneur. C'est là tout le mystère du film.
Recherchés d'abord à travers tout l'état, puis dans tout le pays, les fugitifs vont partir en quête des origines de l'enfant.


Jeff Nichols excelle dans les séquences intimistes, la relation touchante (tenant en peu de mots) entre le père et le fils, les longs trajets de nuit dans l'ambiance feutrée d'une voiture, en roulant tous phares éteints pour ne pas être interceptés.
On est dans un film de cavale, avec tout ce que cela compte d'escarmouches, de pièges tendus, de pauses au bord de la route, sauf qu'il n'y a pas de crime originel.
Cet enfant fuit simplement un monde qui ne peut ni le comprendre ni l'accepter, il paie pour sa propre différence.
Le scénario fait référence autant à l'ufologie qu'aux mystérieux (et controversés) "enfants indigos", et ce pouvoir surnaturel s'avérera être autant une aide précieuse qu'un lourd fardeau dans l'accomplissement de l'enfant.


Le film est poignant de bout en bout, ses minces défauts résidant dans certains aspects techniques (on sent Nichols peu à l'aise avec les effets spéciaux d'envergure, ou les dispositifs de tournage trop lourds) qui n'empêchent nullement de profiter de l'expérience. Midnight Special arbore même un petit côté nostalgique des années 80, des drames SF à la Spielberg, ce dont on ne se plaindra pas, à l'ère du fond vert qui tâche et des grosses explosions ! Ici, on prend son temps pour poser l'histoire, on privilégie narration et ambiance.


Subtil et angoissant, le film distille un suspense apocalyptique (tout comme le faisait Take Shelter) montrant des personnages aux abois, totalement dépassés par ce qu'ils ont eux-mêmes engendré.
Mais la dose d'humanité distillée par ses interprètes et le mystère absolu de cette quête rendent le film passionnant à suivre, ne prenant jamais partie ni du côté du film d'auteur trop hermétique, ni du côté du blockbuster sans âme.


Jeff Nichols parvient donc à concilier sa vision personnelle avec celle d'un grand divertissement familial, sobre et touchant, flottant au dessus d'un fil très ténu.
Comme cette caméra, qui, pendant un moment, suit scrupuleusement la route, avant de s'en éloigner pour gagner les airs...

Zelldevine
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le 29 mars 2016

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