La planète Krypton étant sur le point d'être détruit, Kal-El (alias Superman) est envoyé sur Terre par ses parents pour assurer sa protection, dans le Kansas. A des centaines de kilomètres plus au Sud, un autre petit garçon lit ses histoires à l'arrière d'une voiture, équipé de lunettes bizarroïdes et d'un casque bien plus large que son crâne. Emmené par son père, Alton n'est pas un enfant comme les autres et doit rentrer chez « lui », dans son monde. Le chemin parfaitement inverse de son héros kryptonien.


Jeff Nichols a franchi le cap. Si ces précédents récits ont toujours été baignés de touches surréalistes impalpables, Midnight Special s'avère être le tournant de sa filmographie. L'homme passe à l'acte et montre qu'un univers parallèle existe, tangiblement. Le but n'est pas de décrire ce dernier ou de se pencher sur la condition extraterrestre. L'américain reste sur la terre ferme et prend le point de vue de ses congénères : politique, religieux, sentimental. La préoccupation du cinéaste a toujours été l'être humain, son rapport au danger et l'amour inconditionnel porté à la famille.


En dépit de l'étiquette SF apposée à cette nouvelle œuvre, sa création est une nouvelle fois purement intimiste, sincère, en s'attachant au plus près du réel. Exit l’Ohio et le Mississipi, nous voici maintenant sur les terres arides du Texas. Paysage inondé de routes à n’en plus finir, le climat desséché de l’Etat a transformé l’alter-ego de Nichols. Michael Shannon, plus concerné que jamais, présente un physique au teint hâlé et usé jusqu’à la moelle. La barbe naissante et les cheveux éclaircis par un soleil meurtrier, l’homme ne croit qu’à une seule chose : le devenir de son fils. Énième leitmotiv du réalisateur, incarnant le combat des aînés à sauvegarder le futur de leurs héritiers.


Avec une bande son habitée de l’habituel David Wingo (déjà présent sur Take Shelter et Mud), Midnight Special est autant une relecture des mythes ciné SF des années 70/80 qu’un film purement contemporain. Méfiance à l’égard de l’étranger, personnification religieuse, le scénario de Nichols est un petit bijou qui met à mal des personnages aux buts clairement définis. Et dans ce tourbillon de sentiments paradoxaux et de chaos imminent, nous retiendrons la figure d’Alton. Enfant surdoué, hypertroublant et néanmoins d’une sérénité affolante, Jaeden Lieberher représente l’enjeu majeur de l’un des films les plus importants de l’année. Rien que ça.


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Hugo_Harnois_Kr
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le 19 avr. 2016

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Hugo Harnois

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