Passons tout de suite outre la polémique stupide autour du film qui ne révèle finalement que la bien triste paresse intellectuelle et culturelle de celles et ceux qui se seront empressés de l'alimenter. Oui bien sûr l'apologie de la sexualisation infantile est proprement abject mais en aucun cas ce n'est le cas ici et pour commencer une œuvre ne devrait jamais être jugée et mise au pilori sur un simple visuel et quelques extraits retirés fatalement de toute contextualisation. Le minimum restant lorsque l'on critique une chose d'en avoir pris une pleine et entière connaissance. Et si après avoir regardé Mignonnes vous ne retirez du film de Maïmouna Doucouré qu'une apologie de la pédophilie je crois pouvoir en déduire que le problème n'est pas le film en lui même mais plutôt votre incapacité à le voir autrement que par le prisme de vos propres obsessions militantes qui aussi respectables soient elles, devraient être éclairés plutôt qu'aveugles. Oui Mignonnes est un film qui interroge, qui bouscule et qui parfois met mal à l'aise mais il n-y a pas la moindre ambiguïté sur le propos et le message de sa réalisatrice.


Mignonnes raconte donc l'histoire d'Amy une gamine de onze ans qui vit avec sa mère et ses deux petits frères dans un petit appartement de banlieue et qui attend le retour d'un père parti trouver une seconde épouse au Sénégal. La jeune fille va se retrouver fascinée au collège par un petit groupe de filles libres et populaires qui s'entrainent pour un futur concours de danse. Amy qui souhaite se libérer du poids des traditions et de sa solitude fera tout pour s'intégrer à cette bande de gamines qui jouent les adolescentes quitte à repousser les limites pour se faire plus grandes encore.


Mignonnes est un film qui parle avant toutes choses de la difficulté de grandir, de trouver sa place en l'absence de repères et de modèles. La petite Amy interprétée par la formidable révélation Fathia Youssouf est une fille qui souffre et s'ennuie sous le poids de traditions dont elle ne voit pas les aspects très bénéfiques auprès de sa mère malheureuse. La jeune fille à qui la religion intime la plus grande droiture et qui s'occupe le plus souvent de son petit frère passe tout simplement un peu à côté de son enfance. Du coup lorsque Amy croise cette bande de copines extraverties, joyeuses, bruyantes et provocatrices c'est comme une fenêtre qui s'ouvre et une possibilité d'évasion vers l'extérieur. Pour intégrer cette bande de filles Amy va toutefois devoir batailler et adopter les codes, le langage et l'attitude d'un nouveau monde. Afin de séduire totalement ces filles passionnées par la danse qui deviennent donc des modèles et référents la jeune Amy va décider d'apporter un petit plus à des gamines qui en font déjà beaucoup trop. Amy va alors venir insuffler aux chorégraphie déjà sensuelle des Mignonnes une connotation très sexuelle et des plus explicite puisée dans les clips qu'elle regarde en cachette planquée sous son voile. C'est avec candeur et une sorte d'innocence que ces gamines d'une dizaine d'années vont commencer à twerker , prendre des poses lascives de lolitas et mimer par la danse des positons sexuels, tout ça juste pour exister et se faire remarquer plus fort aux yeux des autres, des réseaux sociaux et espérer dépasser par l'excès les autres groupes de danseuses en lisse au fameux concours. Mignonnes parle donc bel et bien de perte de repères et de modèles et de l'impact que peuvent avoir sur des jeunes filles perdues et en construction tout ce dont les abreuves les médias, les réseaux sociaux et internet. Le film de Maïmouna Doucouré interroge et questionne sur l'impact de l'hypersexualisation des femmes notamment dans les clips musicaux et sur tout ce qui intime insidieusement les femmes à être dans des postures permanentes de séduction. Entre le mini short moulant, la robe traditionnelle et le niqab il n'existe finalement pas un seul costume qui ne sied vraiment bien à l'enfance et bien des façons d'enfermer la femme dans des diktats et des modèle de société.


Mignonnes parle donc en mode critique et non complaisant de l'hypersexualisation du corps des enfants et des adolescentes et la réalisatrice prend le parti courageux mais casse gueule de montrer ce dont elle parle. La mise en scène de Maïmouna Doucouré de détourne pas sa caméra lors des répétitions et lors de la grande prestations finale aboutissement de toute une mécanique de surenchère vers toujours plus de postures explicites. Si la réalisatrice prend le soin de montrer les réactions outrées et négatives du public en décalage complet avec la prestations des filles, elle s'attarde aussi en gros plans sur les poses explicites de ces gamines créant un certain malaise chez le spectateur. Et tant mieux si malaise il y-a, car c'est le signe que ces images perturbent et qu'elles ne sont pas naturelles ni tolérables pour l'immense majorité des spectateurs. Et si par le plus grand des hasards il vient à un spectateur l'envie de se masturber devant cette dramatique et touchante quête d'identité d'un petite fille ce n'est pas la preuve qu'il faille interdire le film mais qu'il doit au plus vite courir se faire soigner.


Sur la forme le film de Maïmouna Doucouré est une jolie comédie dramatique et une très juste chronique adolescente qui ne cesse de nous promener entre sourires, malaise et émotions. Les gamines au cœur du casting sont débordantes d'innocence, de vie et de justesses si l'on a parfois envie de les baffer tant elles sont insupportables on les trouvera d'autant plus émouvantes quand derrière le maquillage outrancier des séductrices qu'elles s'efforcent d'être pointe la fragile part d'enfance qu'elles gardent en elles. Monté sur courant alternatif le film est parfois très drôle comme avec la séquence de la capote ballon, souvent émouvant comme lorsque Amy cachée sous le lit découvre le désespoir de sa mère et parfois glaçant lorsque cette même Amy tente d'amadouer un homme de ses charmes juvéniles pour obtenir un smartphone. Maïmouna Doucouré entraine même parfois sont film vers un registre plus fantastique avec la robe traditionnelle que Amy doit porter pour le deuxième mariage de son père et qui s'anime parfois avec les stigmates du corps changeant de la jeune fille. Il faut sans doute bien peser ses mots en parlant de Mignonnes mais je l'affirme sans la moindre ambiguïté j'ai trouvé le film à la fois plaisant dans sa forme et intelligent dans son propos.


Tempête dans un verre d'eau, polémique stupide et stérile, les garants du bon goût qui voulaient interdire le film n'auront fait que lui offrir une plus grande visibilité et peut être même informer quelques esprits tordus de l'existence d'un film capable de titiller leurs plus abjects perversités. Avant d'interdire La Guerre des Boutons sous prétexte qu'on y voit le cul du petit Gibus et que ça pourrait exciter quelques tarés, continuons de célébrer le cinéma qui fait travailler le cortex et les émotions et ne laissons surtout pas à quelques tordus aux pulsions malsaines le soin de nous dicter ce que nous devons voir. Mignonnes est un joli film et que vous l'aimiez ou pas, prenez au moins le temps de le regarder et de le juger en votre âme et conscience.

freddyK
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le 10 mars 2021

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