J'ai comme l'impression que je vais écrire la même critique que chaque année, après avoir enfin vu le "nouveau" Woody. Dis, papy, il serait peut-être temps d'arrêter de faire des films et de penser à se consacrer à des activités plus profitables, comme mener une malsaine vie de famille, aller manger du pastrami au Carnegie Deli ou même mourir, hein, pourquoi pas. C'est une bonne idée de mourir quand on est un artiste et qu'on commence sérieusement à gâcher son œuvre en la faisant basculer toujours plus loin dans la médiocrité. Ça me rappelle un poème de Choderlos de Laclos.

Durant le premier quart d'heure du film, j'ai pensé : "j'ai pas déjà vu, ça ? cette histoire d'écrivain raté qui gribouille des scénarios pour Hollywood en essayant de ne pas tuer sa fiancée insupportable ?" mais en fait non et j'en ai pris conscience au moment où le film plonge dans le fantastique, ce qui m'a un peu sorti de ma torpeur agacée.

Carla Bruni en guide du musée Rodin est juste "lol", Marion Cotillard joue aussi bien que d'habitude (c'est-à-dire très mal) et la découvrir en muse de Modigliani/Braque/Picasso m'a fait cracher mon café de rire. Kathy Bates est une actrice formidable et que j'adore mais ce rôle de Gertrude Stein ne lui convient pas du tout (c'est l'idée que Woody a de Gertrude Stein qui ne convient pas du tout, en fait) et Owen Wilson apprendra peut-être un jour à jouer autre chose que les grands pleurnichards mous (autrement dit, il endosse parfaitement le rôle que papy Woody aurait interprété lui-même avec quarante ans de moins).

Tout compte fait, la meilleure actrice du film reste quand même Paris, la ville éternelle, immuable, magnifique, splendide sous la pluie, dans toute son insupportable kitschitude de carte postale cheap. Ah, les manèges de chevaux de bois, ah, les marches qui mènent à la grosse meringue, ah, les serveurs en grande livrée... Je ne sais pas vous, mais je n'ai pas vraiment reconnu la ville que j'habite depuis huit ans. C'est vrai que je ne fréquente pas les beaux quartiers, ceux dans lesquels on peut acheter des chaises de jardin pour vingt mille dollars (et qui se trouvent donc autour de Saint-Alexandre-Nevski, si j'ai bien suivi) où logent pourtant toutes les petites vendeuses qui travaillent aux puces. Genre la fille à la fin elle rentre chez elle en passant sur le pont Alexandre III... elle vit dans les caves du Grand Palais ?

Moralité, ce film est vraiment naze. Et ce ne sont pas les différentes apparitions de génies morts qui rattrapent les choses : Picasso a le charisme d'un chorizo, Matisse ressemble à mon grand-père, Lautrec a les fils qui se touchent mais le plus innommable scandale reste quand même que nos héros ont beau retourner à la Belle Époque, ils ne croisent absolument pas Marcel Proust. Trop occupé à fréquenter les bordels de garçons, sans doute. J'aurais dû faire la même chose au lieu de regarder ce film.
Anonymus
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le 30 août 2011

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Anonymus

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