L'herbe paraît plus verte ailleurs, c'est bien connu. Mais est-il nécessaire de quitter ses racines pour s'enivrer d'air frais ? François Pirot tente de répondre à la question avec ce film qu'il co-écrit et met en scène, à travers deux jeunes adultes complètement paumés. Allez, on se casse au Groenland ?

Partir un jour sans retour. Effacer notre amour. Sans se retourner. Cette illustre philosophie moderne ne constitue pas un geste de tous les jours. Plutôt un désir universel, un rêve aussi volatile qu'éphémère que peu peuvent se targuer d'assumer et qu'uniquement une poignée réalise. Dans ce premier long-métrage, buzzant grâce à une astucieuse promo et l'aura miraculeuse accompagnant tout ce qui touche au road movie, deux protagonistes à la fois simples et compliqués, tels des êtres humains lambda, se voient touchés par ces ambitions nomades. Julien et Simon, interprétés par le duo de beaux gosses Dupont-Gouix, sentent comme un besoin de tout envoyer péter. Et quoi de mieux qu'un camping-car pour voguer sur le bitume tout en évitant les arrêts au coeur de Formule 1 miteux?

S'écartant subtilement de la fibre d'Into The Wild ou d'On The Road, Mobile Home préfère installer un climat amusant de potes qui galérent pour trouver leur voie plutôt que de faire rêver à la liberté au moyen de paysages somptueux. Et quelles galères ! L'inoubliable et hilarante course-poursuite avec les parents de Simon, outrés par celui-ci qui claque la sainte thune familiale dans un rêve de retraité, est un bon exemple. Leurs soirées passées à tirer des plans sur la comète face à Google Earth tournent ainsi rapidement en eau de boudin. Une belle désillusion qui démystifie avec malice ces idées somptueuses qu'on se fait d'un voyage.

Retombée en adolescence

Mais on se marre quand même pas mal devant Mobile Home. La belle amitié unissant nos deux couillons n'y est pas étrangère. Déjà amis avant le tournage, le binôme d'acteurs se vanne avec panache, loin de survoler leur périple avec aisance. Le comique de situation en rajoute une couche. Il met savoureusement à l'épreuve ces authentiques compères. Simon s'escrimant à arracher d'irréductibles sapins pour un peu d'argent de poche, Julien à séduire un pack « blonde quarantenaire + gamin ». Nos antihéros se prennent la vie en pleine gueule et gèrent tout aussi maladroitement les relations avec les gonzesses, incompréhensibles, comme avec les parents, incompréhensifs. Une recette gagnante qui amuse et séduit. La bande originale du film, liégeo-américaine, cherche le décalage avec chacune de ces situations cocasses, ce qui s'avère du plus bel effet.

Il manque cependant une petite note d'exotisme au cocktail. A vouloir absolument dépeindre l'échec d'une odyssée, sauvage et innocemment naïve, le film perd en route la magie inhérente à tout voyage. On ressent que l'équipe du film a mis énormément de bonne volonté à mettre en scène ce duo de choc au sein de leur cloître ardennais. On aurait cependant apprécié que les choses aillent plus loin, que la prise de risque éblouisse par davantage d'envergure. Il ne faut pas s'attendre à un Into The Wild à la belge, mais plutôt à une comédie fort plaisante qui nous observe vivre.


Boris Krywicki, septembre 2012 pour Le Poiscaille n°24
Boris_Krywicki
8
Écrit par

Créée

le 23 janv. 2015

Critique lue 324 fois

1 j'aime

Boris Krywicki

Écrit par

Critique lue 324 fois

1

D'autres avis sur Mobile Home

Mobile Home
TheMyopist
7

Mobile Life

Guitares folles. Paysages ruraux et colorés sous un soleil doux et lumineux. Un gars qui prend son pied sur son vélo. Voici comment "Mobile Home" s'ouvre : d'une manière légère, décontractée et...

le 10 févr. 2013

5 j'aime

1

Mobile Home
Fatpooper
6

A quelques bornes de la liberté

Y a pas à dire, nous sommes un jeune génération de glandeurs, le plus souvent couvés par papa et maman (quand ils ont les moyens, bien sûr) qui nous paient un appart pour nos études et ont encore la...

le 16 sept. 2012

4 j'aime

Mobile Home
Pom_Pom_Galli
6

Critique de Mobile Home par Pom_Pom_Galli

Un petit film sympatoche qui pourrait se définir comme étant un anti-intothewild. L'idée d'un road-movie qui fait du sur place est original, mais le film ne se démarque ni par ses dialogues, ni par...

le 26 nov. 2013

2 j'aime

Du même critique

Victoria
Boris_Krywicki
8

Grand corps hypocondriaque

« Chaque heure passée ici pèse une tonne ». Dans son appart parisien sans dessous-dessus, une avocate K.O cuve. Les médicaments, l’alcool ou les séances chez le psy-accuponcteur, on ne sait plus. Car...

le 12 sept. 2016

3 j'aime

2

Les Dissociés
Boris_Krywicki
4

Apéro rétif

Les Youtubeurs ont fini d’entrer dans l’ère du temps : les voici réalisateurs de long-métrage. Financé essentiellement par du placement de produit, cette œuvre du collectif Suricate mise sur un...

le 24 déc. 2015

3 j'aime

The Lobster
Boris_Krywicki
5

Applats de résistance

Après Canine, sa scotchante dissection de l’enfance remarquée à Cannes, Yorgos Lanthimos passe par la case Hollywood avec un casting aux hormones. Ce beau monde se débat dans un luxueux hôtel pour...

le 24 déc. 2015

3 j'aime