Möbius
5.3
Möbius

Film de Eric Rochant (2013)

Difficile de noter ce film, je l'avoue. Pas désagréable à regarder, et en même temps, bourré de défauts et d'invraisemblances qui empêchent de le qualifier de "bon film".
Commençons par la distribution, tiens. Jean Dujardin ? Il fait le job, solide, ténébreux ce qu'il faut, séduisant quand il le faut - notamment dans les scènes d'approche de sa "cible" Cécile de France (les séquences au Destiny et au bar l'Apocalypse figurent pour moi parmi les plus réussies du film). Mais bon... crédible en agent russe, avec son accent si terriblement français ? Difficile d'adhérer à l'idée, d'autant qu'il passe l'essentiel de l'histoire à causer dans notre langue avec son débit habituel - et justifier ce détail par le fait qu'il a grandi en France ne suffit pas tout à fait.
Cécile de France commence par convaincre en femme fatale, glaciale et sûre d'elle - même si la caractérisation de son personnage va trop loin... responsable à elle toute seule de la chute de la banque Lehman Brothers et de la crise des subprimes ? Allons ! Kerviel n'en a pas fait autant, et on l'a longtemps considéré comme l'ennemi public numéro 1. Alors que son Alice semble mener une vie aussi paisible que possible... Bref. "Détail", encore. Du reste ça ne dure pas, puisque le personnage s'effondre ensuite à grande vitesse pour se métamorphoser en quasi nunuche, manipulable à l'envi et amoureuse comme une adolescente - on y reviendra.
Terminons avec Tim Roth. Pour se demander : à quoi bon engager un acteur aussi intense, aussi puissant, si c'est pour lui filer des miettes ? Pourtant, à chaque fois qu'il apparaît, il se passe quelque chose. Son allure féline qui suggère le danger à chaque pas, son regard troublant, son calme redoutable... Mais ça ne suffit pas. Et ça, c'est terriblement regrettable.


Et pourquoi ça ne suffit pas ? Parce qu'Eric Rochant a choisi de donner un coup de pied dans la fourmilière du genre, et que ça ne fonctionne pas sans doute pas assez bien. Le mélange entre espionnage et drame sentimental boite bas, parce que la première composante est relativement incompréhensible, prétexte à la seconde qui ne marche que lorsque les deux personnages principaux s'approchent, se tournent autour. Dès qu'ils sont ensemble, le film perd en intensité, et ne peut s'appuyer que sur la partie suspense pour tourner. Surtout que les scènes d'amour s'avèrent un peu gênantes, notamment les dialogues qui les accompagnent. On devine que le réalisateur et ses acteurs ont cherché à faire autrement, à contourner le déjà vu, à ne pas jouer dans l'esprit James Bond. Pas facile, pour autant, de se renouveler sans prendre des risques.
Cela me rend plus indulgent que d'autres avis, très mordants sur ces scènes d'amour (et je peux comprendre pourquoi certains ont envie de ricaner), parce que je vois l'intention à l’œuvre. Hélas, le résultat n'est pas pour moi à la hauteur.
Certaines scènes carburent (l'ascenseur), mais se perdent dans un ensemble qui manque de cohérence, de liant, d'intensité, de mystère.


Si l'on ajoute, plus précisément, certains aspects de mise en scène hésitants (plans inutiles ou trop longs), ou le recours à une musique souvent cliché (les chœurs style Armée Russe pour spécifier que notre regard se place plutôt dans le camp russe - sans doute parce qu'on ne croit pas assez aux personnages, justement), on obtient un film qui ne manque pas de bonne volonté, mais qui manque de cette puissance que les Américains, notamment, sont capables de produire dans des histoires de ce genre.
Cela peut paraître facile d'utiliser cette comparaison pour critiquer cette tentative française de film de genre - espace dans lequel Rochant est tout de même un maître chez nous, entre Les Patriotes et son travail sur la série Le Bureau des Légendes. Mais il faut admettre que nous peinons souvent à assumer l'ambition que nécessitent ces films à grand spectacle. Et que Möbius, en dépit de sa recherche d'originalité, n'y arrive que de manière épisodique. L'idée aurait mérité mieux, de même que le casting.

darthurc
5
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le 15 août 2019

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darthurc

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