Mommy est le 5ème opus du réalisateur canadien Xavier Dolan. Acclamé à Cannes cette année, il remporte le prix du jury aux côtés de Godard. A seulement 25 ans, ce petit génie du cinéma côtoie déjà les plus grands, malgré avoir souvent divisé la critique. Son cinéma très formel et esthétique peu parfois irriter, mais pour moi c'est une façon à lui d'exprimer son amour pour le cinéma, d'exploiter toutes les techniques créatives que lui offre cet art. Car Dolan n'est pas un ènième pubard aux divers artifices futiles, il raconte des choses, de belles choses.
En plus d'aborder beaucoup de thèmes liés aux troubles du genre et mettre en scène des personnages excentriques, Xavier sait aussi utiliser à bon escient la fougue et la générosité de son cinéma pour transmettre des sentiments universels à son spectateur d'une façon très juste et terriblement touchante.
Mommy est pour moi le point d'orgue de son oeuvre, une immense oeuvre qui marquera les années 2010, une claque de cinéma.

Mommy, c'est l'histoire d'un trio complémentaire, Diane, Steven et Kyla. Le premier personnage : Diane une mère veuve et vieillissante, incarnée magistralement par Anne Dorval, l'actrice fétiche de Dolan. Diane est une figure féminine assez excentrique et troublante, croquant à la fois dans l'espoir et la résignation de voir son fils Steve devenir quelqu'un comme un autre. Et cet amour pour son fils, bien qu'il lui rende jour après jour des rides de plus en plus marqués, continue a entretenir en elle cette flamme, son unique raison de vivre.
Le deuxième personnage est donc Steve : hyperactif et atteint de troubles neurologiques graves, est un jeune garçon voué à son triste destin, de ne plus pouvoir se sociabiliser correctement avec son entourage. Atteint également d'un trouble affectif, il est amoureux de sa mère, à qui il promet de se battre jusqu'à ses derniers jours pour elle, et de ne plus la faire souffrir dans ce combat déjà perdu d'avance.
Enfin Kyla, troisième personnage, est la voisine de Diane. Son quotidien de famille la ronge petit à petit et l'enferme chez elle jusqu'à ce qu'elle rencontre la mère et le fils.

C'est alors que face à vents et marés, mère et fils vont tenter de supporter l'insupportable, de faire appel à leur amour pour recoller les millions de morceaux de puzzles un par un, malgré leur différence. Et cela passera par les rires et les larmes. Kyle contribuera également à aider ce couple, et à s'offrir un nouveau sens à sa vie.

Le film a su me frapper en plein coeur. Les 2h20 du film comporte un nombre incalculable de scènes splendides, entre la tragédie et le bonheur, Un tourbillon intérieur s'est emparé de moi dès les premières images, et ne m'aura quitté qu'à la dernière.

Tout est magique. La relation entre les personnages reste d'une justesse impressionnante, les dialogues sont admirablement bien écris. Et le comble c'est que c'est parfois à mourir de rire ! Alors oui on passe du rire aux larmes, mais c'est fait d'une manière tellement naturelle que l'embellissement des images de Dolan ne se fait pas ressentir comme exagérée, elle ne fait que transcender ce tourbillon d'émotions qui s'éclate face à nous.

Diane Déprès fait désormais partie de mes personnages féminins préférés.

Le format 1:1, parti pris plus que culotté, contribue à entrer en symbiose avec les personnages. Chacun étant isolé, étriqué dans son petit carré, se met à nu face à nous et dressent leurs portraits avec foi et sincérité, comme si nous les avions toujours connu. Si l'on est un peu gêné et peut-être frustré de ne pas pouvoir voir ce qui se passe au delà du bord du cadre, la fameuse séquence de la rue en milieu de film nous libère de nos chaînes, et c'est alors là que commence la danse de la vie, un tourbillon de sentiments qui lance le premier pas et te prends au tripes comme jamais. Ce bonheur éphémère, dont tu sais qu'il ne durera jamais, te rendra libre et intouchable jusqu'au retour à la réalité - ici jusqu'au prochain confinement de l'image.

On a tendance aussi à oublier que la BO du film, placée en dehors du contexte, est incroyablement cheap : Celine Dion, Oasis, Eiffel 65 entre autres. Mais non ! Xavier a le don de donner un second souffle à ces vieux titres, parfaitement restitués à l'image, et accordés en harmonie tout au long du film. J'ai même été mis en PLS avec du Céline, c'est dire ! D'ailleurs cette scène dont je parle est incroyable. "On ne change pas, on met juste les costumes d'autre sur soi... ", sublime.

Ce que j'écris est peut-être totalement incompréhensible pour celui qui n'a pas été sensible par ce film ou pas à un tel point. C'est aussi parce qu'il est un exercice très difficile pour moi de décrire ce que je viens de voir. Ce que je retiendrai toujours, c'est la foi qu'a Xavier Dolan envers le cinéma, ce cinéma que j'aime. C'est un machine à créer des rêves, dans lesquels nous souhaiterions être transportés avec les êtres les plus chers, et que nous voudrions jamais quitter, peu importe le futur, aussi incertain et sombre soit-il. Carpe Diem comme dirait l'autre. S'envoler, partir et oublier le passé le temps d'un bref instant. Vivre, s'aimer malgré nos différences.

Si "Drive", l'autre immense oeuvre des années 2010, m'avait définitivement fait aimer une certaine conception du cinéma, Mommy continue en ce sens. La preuve que le cinéma de nos jours est toujours aussi flamboyant, et permet d'explorer toujours plus de possibilité de transmettre des choses à son spectateur.

Tabernacl' que ce film est beau, je reprendrais bien ce cette drogue là.
jejeninjaki
10
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le 19 oct. 2014

Modifiée

le 19 oct. 2014

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jejeninjaki

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