C’était un pari risqué que de suivre son instituteur durant une année. Armée de deux caméras, Émilie Thérond s’est lancée dans la (folle ?) aventure de suivre son ancien maître d’école, M. Burel, pour sa dernière année d’enseignant. Ce qui est fâcheux, c’est que son travail souffre de la comparaison avec Être et avoir, modèle du genre en la matière. Thème similaire, cible identique, chronologie analogue, 2016 est une année bien tardive pour voir apparaître ce documentaire.


En s’invitant dans cette classe de CE2/CM2, on pense avant tout que le dispositif scénique de l’auteur va être invisible. Cela pour laisser libre cours à la spontanéité des élèves. Tout faux, trop de regards caméra gâchent ce naturalisme. Même chose, on ne devrait pas voir la réalisatrice, ni l’entendre. En adoptant cette mise en scène, la femme tronque l’angle qu’elle a choisi et l’objectif visé. Veut-elle décrire la dernière année d’un maître d’école pas comme les autres ? Ou créer une sorte d’autobiographie filmique ? Bancal, le récit délivre des pistes brouillées.


Le charme du maître sauve quelque peu le film. On sent chez lui un véritable humanisme et le goût constant de bien faire. Mais une personnalité attachante n’a jamais fait un bon documentaire. Le propos scénaristique s’avère trop personnel et ne touchera certainement pas assez le spectateur. Peu d’anecdotes croustillantes et trop de banalités parsèment un film qui n’arrive pas à se trouver. La bande son de Yodelice (bien trop sucrée pour ce genre d’œuvre) ne vient que confirmer cette perte d’inspiration. Bien trop présente, la guitare de Maxim Nucci tente vainement de combler la vacuité contemplative de Mon maître d’école.


Ajoutées à cela, les images d’archives et certaines voix off (qui sortent de nulle part) arrivent comme un cheveu sur la soupe et cassent le rythme du film, pas toujours fluide. Les retours dans le passé sont en effet maladroits. Alors que Mon maître d’école devrait promouvoir l’art du présent, le film se trompe de direction et opte pour une nostalgie pompeuse et dégoulinante de bons sentiments. Au lieu de multiplier les pistes creuses, cela aurait pu être fascinant de ne se concentrer que sur cette dernière année, charnière pour les élèves (la plupart vont passer de l’école au collège) et l’instit’ (qui part à la retraite).


La fin, qui ne rattrapera pas l’ensemble, est trop émouvante et dévalue le propos du film, censé être positif. Les yeux et l’attitude de M. Burel montrent à quel point il ne veut pas quitter son poste. Poignant, on sent ici que c’est toute sa vie qui prend un tournant. Mais au lieu d’entrevoir une porte de sortie et un avenir constructif (pour lui et les enfants), Émilie Thérond reste sur son départ à la retraite et laisse le public avec cette touche d’amertume. Mal venue pour ce genre documentaire.


http://septieme-sens.net

Hugo_Harnois_Kr
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le 21 janv. 2016

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Hugo Harnois

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