Chef d'œuvre sur les classes.
C'est incroyable comment Tati enchaine les symboliques fortes. D'un côté on a des petits bourgeois détestables au possible où tout sonne creux, des petits tapotements mesquins jusqu'à l'entreprise littéralement nommée "plastoc" du mari portant fièrement une cravate bleu et l'étalant jusqu'à sa fichue baraque moderne infernale où un poisson crève littéralement la gueule ouverte face au soleil et dont on fait souffrir à chaque arrivée des voisins aux allures extravagantes mais méprisantes qui ne peuvent s'empêcher de s'exprimer avec une grandiloquence totalement risible, des voisins qui vivent dans une autre dimension tant leurs conversations n'ont aucun sens ou est d'une stérilité consternante, des voisines qui se sentent exister que par leur bien matériel dont elles se targuent la tête haute légèrement tournée vers la gauche avec les yeux hautains, une voisine vient même cracher de la fumée tel un dragon.
Une maison aseptisée dont l'horreur est à peine bâchée, en effet cette maison est un monstre à part entière, de grands yeux observant chaque faits et gestes durant la nuit au caractère comminatoire, une maison où il faut savoir marcher sur des pierres plates pour ne pas se bruler les pieds avec ces pierres rouges parsemées un peu partout, il y a même deux fourches qui sont dessinées par le biais d'une plantation plaquée au mur, la symbolique est tellement tape à l'œil qu'au début un chien est littéralement englouti par ces bruits industriels sortant de la cuisine (absolument ridicule elle aussi), un chien errant représenté métaphoriquement par le fils de ces bourgeois, il est constamment harassé et littéralement enfermé avec ces barreaux qui viennent cloitrer son ombre dans un endroit censé être le plus pur, à savoir la douche où sa mère le frotte violemment.
Cela dit, malgré mes propos acerbes à l'égard de ces personnages, Tati ne les présente pas comme des monstres sadiques pour autant, mais des caricatures dont il se moque gentiment par le biais d'un humour burlesque.
Et de l'autre côté on a la vie prolétarienne qui respire, où les enfants gagent, s'amusent à enquiquiner chaque passant afin qu'ils se tapent le lampadaire en pleine tronche, ça discute, ça bouge, des relations se nouent à partir des disputes et c'est ça qui est formidable.
Dans ce beau quartier vit M.Hulot dans un appartement très particulier, il est très animé puisque nous voyons chaque partie du corps qui s'avance, des pieds jusqu'à la tête, son infrastructure est pour ainsi dire très spéciale et sera, j'imagine, caractéristique du cinéma de Jacques Tati et plus particulièrement de son troisième métrage Playtime de la quadrilogie.
Malgré la sobriété du nom, Mon oncle est une œuvre fortement ingénieuse, une comédie qui a réussi à me décrocher quelques rires bien mérités, avec une fin purement touchante et splendide.