Paris, ville de l’amour et de la solitude – Tony rencontre en boîte Georgio, beau garçon prétentieux et fascinant. Ils se fréquentent et enchaînent des moments de complicité les plus extravagants et inattendus. Un agréable vent de folie souffle sur leur relation. Tony, avocate, prend plaisir à s’intéresser à l’univers de Georgio, homme d’affaires, gérant restaurants, biens immobiliers et autres, cotoyant les milieux de la mode et de l’art. De ces instants cocasses et de cette fraîcheur émane bientôt l’idée insensée mais enivrante de Georgio d’avoir un enfant. Tony, fraîchement séparée, mère d’un enfant, hésite quelque peu mais cède bien vite à ce vœu. Pourtant, très tôt dans sa grossesse, leur liaison n’est plus au beau fixe et elle découvre des comportements chez Georgio qui lui déplaît. L’impulsivité qui la séduisait tant l’inquiète et l’effraie désormais. Son rapport aux femmes et à l’argent s’avèrent problématiques.
Petit bijou de vérité amoureuse, Mon roi est juste et percutant dans son propos. En mettant en scène la tempête des sentiments et la force de l’emprise psychologique d’une personne aimée sur l’autre, ce film est redoutable. Avec minutie, le personnage de Georgio incarné par un Vincent Cassel magnétique, nous fait vivre les mécanismes de la manipulation et toutes les singularités du pervers narcissique. Sur le même thème, si vous vous sentez sensibles à ce sujet, je vous recommande d’écouter les interventions de Natacha Calestremé, journaliste, qui en a notamment écrit une fiction (Les blessures du silence).
Le parti pris de Maiwen de nous limiter au point de vue de Tony est particulièrement puissant et édifiant. Nous voici ainsi dans la peau de la femme amoureuse, de la victime consentante et bouleversée. Difficile de s’extraire de sa vision fantasmée d’un amour incompris et singulier, d’un amour passionnel que nul ne pourrait appréhender si ce n’est ses acteurs. Comme elle, on aspire à une réconciliation, à réparer les blessures et travers de l’âme sœur.
Pourtant, le recul de la fiction nous permet de réaliser le véritable propos : les ravages du comportement du pervers narcissique. Flambeur, infidèle, mythomane et manipulateur, les qualités de Georgio sont légion mais son charisme, son humour des beaux jours et l’intériorisation des blessures, des dévalorisations, des menaces par Tony l’aveuglent. L’homme aimé, après lui avoir fait touché du doigt les plaisirs de la vie en grande pompe, les frasques drôlatiques du régent capricieux, peu à peu envahit les domaines tonyesques pour asservir son vassal et régner de manière absolue sur le royaume.
C’est donc avec un grande déception qu’on regrette ne pas avoir été cette fois-ci manipulé par un procédé qui rivalise en puissance : le montage cinématographique. En effet, la mécanique de l’alternance entre le présent d’une Tony en centre de rééducation et de ses flashbacks sur sa relation amoureuse rate son objectif. Les passages de Tony dans le présent n’apportent pas de plus-value au film (ni en humour - malgré la vraisemblable tentative de contribution en légèreté ; ni en profondeur - pas d’éclairage supplémentaire des raisons de son comportement passif). Le film manque ainsi de rythme et perd en intensité. De même, il manque au film deux éléments essentiels : une gestion plus fine des silences, instruments dramaturgiques d’excellence et le choix d’une bande sonore, marqueur pour donner encore plus de vie et singularité à l’oeuvre.
En bref, Mon Roi criant de vérité, malgré des interprétations époustouflantes, impressionne spirituellement et mentalement mais jamais ne parvient à prendre aux tripes. Coup de poing platonique, Mon roi, c’est le rendez-vous manqué d’un grand film.