A l’instar de son Polisse, le dernier Maïwenn agit comme une tornade. On se libère du gouffre à faits divers et de la kyrielle de flics-personnages pour ne plus se concentrer que sur dix ans de la vie passionnelle d’une femme, amoureuse à l’infini (Ce dernier regard bouleversant, lors d’un rendez-vous à l’école de leur fils, en dit long sur ce que cet homme représente et représentera toujours pour elle) d’un monstre qui la domine, la méprise et l’humilie tout en lui faisant croire qu’il en est fou amoureux. Cassel joue cela à merveille, l’enflure absolue qui sait attendrir, aussi bien elle que nous. Bercot en face est une montagne d’émotions brutes et contradictoires, libérant des avalanches de larmes et de souffrance comme il est rare d’en voir, des sommets de bonheur et de rage mêlés, éphémères et instantanées. Et le film ne plonge jamais dans l’excès, à peine il explose qu’il se fond dans l’ellipse ; Une violente dispute peut être relayée par une douce retrouvaille. Sans cesse il rebondit, jusqu’au prochain séisme. C’est La vie d’Adèle, de Kechiche qui croise Keep the lights on, de Sachs et Nous ne vieillirons pas ensemble, de Pialat, mais une version déchirée, hurlante dans laquelle il est n’est pas aisé de se trouver une place – C’est ma limite, je préfère les cinéastes suscités pour l’étirement qu’ils parviennent à produire ; Chez Maïwenn, il faut que ça trace, que ça gicle, il faut tout casser, se donner en spectacle. Difficile aussi de ne pas faire de parallèle avec La tête haute, le dernier film d’Emmanuelle Bercot, qui bien que différent dans la portée de son récit, agissait lui aussi par coups de fouets, saillies à fleur de peau, entre fines accalmies et longues montées hystériques. Deux films qui dialoguent beaucoup dans leur mise en scène, ce qui prouve que Maïwenn a mis de l’eau dans son vin et aborde dorénavant les choses de front ; Point de suicide final abracadabrant mais l’image forte d’un couple défait, dont la relation (pour toujours ?) houleuse ne tourne plus qu’autour de l’éducation et la garde de leur enfant. Produit de leur bonheur passé, illusoire que cette étonnante construction sous forme de bribes de souvenirs (Chaque retour au présent, lourdingue à priori, avec ces séquences de masso-kinésithérapie sont superbes) ne cherche aucunement à renforcer à coups d’effets de styles ou afféteries de scénario trop fabriqués. C’est épuré, c’est rêche, c’est fort.

JanosValuska
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le 7 nov. 2016

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