La prétention voire l'égocentrisme d'un cinéaste, en soi, ne me dérange pas. L'évident narcissisme du Tarnation de Jonathan Caouette ne me dérange pas, et cela ne m'avait pas tellement dérangé non plus dans les deux autres films de Maïwenn que j'ai pu voir, à savoir Polisse et Le bal des actrices (ce dernier étant pourtant, dans le genre, assez haut placé). Je pense même que sans prétention, le monde de l'art serait un peu trop chiant. Cela dit il faut que cet état d'esprit servent de vraies idées de cinéma, une vraie proposition osée, quitte à se planter. En tout cas, pas une vulgaire tentative de film-fleuve... comme c'est le cas pour Mon Roi.
Tout le paradoxe du film, à l'image de cette psychologie de comptoir du "genoux/je-nous", c'est d'effectuer un montage narratif analogique tout en assumant qu'il s'agit là d'une esbroufe. du genre "oui bon je sais que c'est de la psychologie de comptoir, mais penchez-y vous quand même un peu". Au présent, Tony, divorcée et mère, passe plusieurs semaines dans un centre de rééducation, se mettant aussi bien physiquement que psychologiquement "à nu" et se liant d'amitié avec de jeunes sportifs (et Norman, qui fait des vannes sur les noirs et les arabes et jongle avec du yahourt). Au passé, elle fait la rencontre de Georgio, un riche restaurateur aussi bon vivant que manipulateur et possessif.
Le film, déjà, aurait pu fonctionner si le montage alterné avait été réfléchi, avait créé du sens à la manière de Blue Valentine (même si l'objectif n'est pas tout à fait le même). Mais non, au lieu de ça, les séances de rééducations se ressemblent toutes et sont extrêmement courtes au début. Elles ne montrent finalement rien ni en elles-mêmes (ok, Tony réapprend à faire fonctionner son genoux, et alors ? Ok, elle s'amuse bien avec les jeunes sportifs, et alors ?) ni en rapport avec les scènes au passé.
On doit en plus se coltiner quelques vannes moyennes de la part de Norman et ses potes qui jouent aux "djeuns", dont une absolument ahurissante vers la fin du film quand on connaît la position féministe de Maïwenn où les jeunes sifflent une jolie fille passant dans la rue (pour la "rigolade" mais bon on sait tous ce que ça cache derrière comme état d'esprit). Bien sûr, Tony s'amuse avec ses amis alors que le film a passé les 2/3 de son temps à montrer qu'elle a subi le même genre de domination dans sa relation avec Vincent Cassel. La scène paraît anodine, mais comment ne pas y voir ici un mépris total de son personnage principal ?
Dans Mon Roi, Maïwenn s'amuse presque à torturer son personnage et le spectateur avec lui, en alternant des scènes dramatiques de cris et de pleurs et des scènes drôles et joyeuses avec une rapidité un peu douteuse. D'autant plus que ces scènes, si la plupart sont réussies intrinsèquement, paraissent extrêmement répétitives tout au long du film, lui donnant un rythme bancal et même interminable sur la fin. Il y a quelque chose de trop grotesque pour être honnête dans cette naïveté de Tony qui reste avec Georgio malgré les nombreuses humiliations, qui pleure de tristesse quand il lui annonce que non, il n'a pas couché avec les deux mannequins qui dormaient dans son lit. On n'échappe pas non plus à la critique devenue hebdomadaire du milieu superficiel de la mode, avec un discours de Tony complètement bourrée qui gêne plus qu'il ne dénonce.
Mais le pire reste encore les tentatives totalement loupées de subtilité et de créer des moments de grâce, dont l'exemple le plus lamentable est ce discours de Tony en tant qu'avocate auquel assiste ses amis et Georgio. Plutôt de de créer une émotion en captant les visages des personnages, en montrant ce discours tel qu'il est récité au sein d'un lieu peuplé de conflits, non Maïwenn choisi de prendre le (mauvais) choix facile : hop, le discours passe en voix-off et l'écran nous montre une suite de moments joyeux entre Tony et Georgio au passé, sans sons et totalement inutiles. La tentative grossière de créer de l'émotion l'annihile en fait totalement.
Néanmoins, une chose évite au film le naufrage : l'énergie communicative des acteurs. Quand ils ne sont pas en train de se crier dessus, Emmanuelle Bercot et Vincent Cassel ont une complicité qui crève l'écran, accompagné par le rafraîchissement jeu naturaliste de Louis Garrel. Du coup, on rigole quand même pas mal pendant le film, les dialogues étant souvent incisifs.
Maïwenn est en fait probablement une bonne scénariste, sa dialectique de personnages reflétant souvent un écho personnel narcissique mais intéressant. Malheureusement, l'immense lourdeur de sa mise en scène plombe ses films à plus ou moindre mesure, Mon Roi en étant le plus triste représentant jusqu'à maintenant.