Maïwen prend une nouvelle fois le cinéma en otage mais ne s'en contente pas puisqu'elle entraîne avec elle les élégants Louis Garel et Isild le Bescot (la sœur de). Le premier sauve le film du pathos en apportant la touche de dérision nous permettant de prendre du recul sur les évènements qui s’enchainent. La seconde est charmante dans un rôle plutôt minimaliste. Mais cette respiration est assez marginale et signifie plutôt bien le peu de cas que semble apporter l’auteure de « Polisse » à l’entourage du couple. Son objectif est de nous asphyxier dans ses tourments pour mieux affirmer la suprématie du « spectaculaire ». Sa ligne directrice ne cesse de s’affirmer de films en films : faire transparaitre une sentimentalité exacerbée qui nierait toute intériorité psychologique pour englober un large panel d’aficionados de cinéma « populaire ». Ses interviews ne disent pas autre chose, elle qui répète à qui veut l’entendre que la grande famille du cinéma n’existe pas et qu’elle abhorre la politique de « l’auteur ». La frontalité est sa grande affaire, qu’elle veuille ausculter la vitalité d’actrices/femmes peu désirées à l’aube de la jeunesse jusqu’au lugubre quotidien de flics dans la tourmente. Vouloir populariser de tels thèmes est bien évidemment plus que respectable, encore faut’il ne pas franchir la mince frontière entre popularité et populisme. Nous n’irons pas affirmer qu’elle la franchisse allégrement mais la barrière est bien périssable.
Quand à Vincent Cassel, son personnage est tellement chargé que son interprétation part dans tous les sens: c’est un monstre de charisme qui, s'il n'est pas dirigé par un vrai regard de metteur en scène, peut facilement se vautrer dans une bouffonnerie à mille lieux de son talent. C'est d'autant plus dommage que les quelques rares moments d'accalmie auxquels il à droit donnent l'étendue de sa finesse de jeu. Sa personnalité pouvait laisser présager le meilleur augure tant son personnage semblait se confondre avec l’homme. Mais le plus surprenant reste le prix d'interprétation Cannois pour Emmanuelle Bercot, qui gesticule et hurle sans cesse. Sous couvert d'émouvoir des spectateurs qui seraient bien insensibles de ne pas entrer en empathie pour une femme manipulée, elle surjoue sans cesse la douleur. Elle qui est d'habitude très habile à dépeindre la solitude dans ses films semble ne pas s'appliquer la même règle en passant de l'autre côté de la barrière. A son actif, elle équilibre sensiblement la donne lorsque le scénario penche trop sérieusement dans le mélo larmoyant.
Quel gâchis que de passer à côté d'un tel sujet, qui aurait dû nous prendre aux tripes, et qui se contente finalement de ne nous toucher qu'à de trop rares occasions. L'histoire de ce couple n'est pas assez crédible et les différentes étapes de séparation/rabibochage mal écrites. La psychologie n’intéresse probablement pas l'auteure de "Polisse" car elle expédie assez vite les affaires courantes pour se concentrer essentiellement sur l'affrontement verbal et physique du couple. Surement des relents d’hystérie qui la caractérise depuis assez longtemps. La présence du comique youtubeur Norman participe de cette étrange sensation d’assister un genre de cinéma hybride, entre le réalisme quasi documentaire à la « Striptease », l’ancienne émission sur France 3, et la désinvolture d’une cinéaste qui entend dédramatiser cette histoire par le biais de l’humour potache. Il est ainsi frappant de noter que les scènes les plus affligeantes sont celles où il apparait. Affublés d’acolytes de « la minorité invisible », il use d’une rhétorique obsolète pour marquer le parallèle combatif des estropiés et des jeunes banlieusards. Une faible prestation qui en resterait anecdotique si elle ne masquait pas le manque d’ambition évidant de la scénariste. La réalisation est pourtant solide et quelques situations font qu'on ne peut pas parler de ratage total, plutôt d'une œuvre quelconque.