Mon roi c’est des regards, des mots, des coups de poignards, une douceur, une force et une brutalité. C’est une oscillation permanente entre peine et bonheur. C’est tout le tiraillement de la passion, de l’amour destructeur. C’est une lumière : Maïwenn. Lumière posée sur un réel. Un réel problème dans lequel les mots font plus mal que les coups. Mon roi c’est des acteurs époustouflants et un humour bousculant. La première fois qu’on voit Emmanuelle Bercot -Tonny ici- (prix d’interprétation féminine au Festival de Cannes en 2015), elle glisse au ski et finit en centre dé rééducation suite à cette blessure. On la suit ensuite tout au long du film sous l’emprise psychologique de ce grand séducteur qu’interprète avec talent Vincent Cassel (Georgio). À partir de là, tout -ou presque- est présenté, le film est rythmé par un aller-retour incessant entre présent et passé, qu’avons nous à faire d’autre que ressasser dans un centre de rééducation ? La distinction corps/esprit prend toute sa place grâce aux flashbacks et l’importance des mots, la violence de ces derniers est marquée ici par un harcèlement psychologique d’un mari sur sa femme. Ah non, c’est sur, il n’est pas violent, mais elle souffre tout autant et ce n’est pas la seule. Thème abordé avec sincérité et réalité par la très talentueuse Maïwenn.
Les acteurs sont bons, on tomberait nous aussi comme Tony dans les vannes de Georgio, qu’il balance entre deux regards séduisants. Emmanuelle Bercot est magistrale encore, par ses expressions de visage, sa maîtrise complète du personnage, on a pitié d’elle, on se prend au jeu et on prend parti pour cette victime, parfois suicidaire, parfois guerrière. La douceur de la voix de Vincent Cassel, pour une fois non transformée est en opposition totale avec son personnage brutal de tyran tiraillé intérieurement entre ses mensonges narcissiques et son amour qui l’amène à se mettre à genoux plusieurs fois. Parce que même s’il joue « le roi des connards » comme il dit, il est aussi le roi de l’humour dans ce film. Parfois touchés par ses blagues, son ironie, parfois désireuse de le frapper pour qu’il cesse de la torturer, tout n’est que contradiction dans ce personnage qu’on a envie d’aimer et de détester. Le naturel de Bercot, lui, nous rend unanime sur la qualité de son jeu et la force avec laquelle elle joue la proie fragile et amoureuse. Sans oublier les personnages secondaires qui apportent chaque détail au film comme les jeunes du centre amènent un peu d’humour. Louis Garrel, qui interprète le frère de Tony, devient l’oeil du spectateur, il est le témoin lucide de l’histoire, celui qui accompagne sa soeur avec affection et parfois brutalité pour lui ouvrir les yeux. On aurait envie d’être à sa place et de l’épauler parce que même si on la plaint, même si on a envie de la sauver,on la comprend. On suit cette addiction amoureuse à travers ses yeux , tout est subtilité et finesse, tout n’est pas blanc ou noir, des incertitudes demeurent, Georgio n’est pas le seul coupable, on ne le déteste pas tout le temps. Le film traduit une histoire universelle dans laquelle nous sommes tous capables de tomber.
Seule déception, les images. Les plans ne trouvent leur beauté que dans l’obscurité (scènes plutôt rares) dans laquelle Maïwenn parvient à jouer avec la lumière, les scènes de jour restent plutôt banales, surement par volonté de montrer les actions dans leur réalité, sans mystification, ce qui n’enlève rien au film et à sa beauté. Nous sommes face au réalisme d’une vie quotidienne, d’un amour quotidien de pantin, les acteurs ne sont pas mis sur un piédestal, on oublie même le grand nom de Vincent Cassel, on se laisse porter par l’histoire, bouleversante. Les scènes sont réelles dans leur dureté, dans leur sobriété. Chacune d’entre elles est frappante, saisissante, que ce soit par son sérieux, sa gravité ou son comique. La musique est toujours aussi bien choisie mais rien d’étonnant quand on connait les goûts musicaux de la réalisatrice.
À voir ? Cent fois oui, Mon roi est une claque psychologique et Maïwenn montre encore une fois son talent évident et sa facilité à diriger les acteurs en les tirant vers le haut. Malgré les quelques longueurs des scènes relatant le présent au centre de rééducation qui ne sont pas très pertinentes, elle parvient à nous tenir en haleine jusqu’à la dernière seconde, au dernier regard pour comprendre ce rapport de domination entre les deux personnages, joués à la perfection par deux très bons du septième art. Merci Maïwenn !