J’ai rarement vu un film d’une telle beauté portant sur un thème aussi personnel qu’universel qu’est le don d’organe. Les premières scènes nous plongent totalement dans l’univers un peu sacré du film. La mort, la douleur, l’humanité et surtout l’urgence de vivre. Tout est bouleversant. Et quelques jours après, j’en suis encore toute retournée. Comme je l’ai déjà dit, il y a des films qui changent à jamais notre façon de vivre, de voir certaines choses. Réparer les vivants fait, sans aucun doute, partie de cette belle catégorie du cinéma français.


J’assiste pour la première fois à la projection d’un film de Katell Quillévéré et je découvre un grand talent. Comme dans tout film, les premières scènes sont cruciales et j’y porte particulièrement un intérêt puisque c’est souvent dans celles ci que les images sont les plus frappantes. On ne connaît de l’histoire qu’un petit synopsis et une bande annonce, parfois quelques avis mais l’entrée dans le film est déterminante. Ici, la réalisatrice s’y prend très bien. Scène d’amour adolescente aussi tendre soit elle à travers le regard de Simon qui laisse son amoureuse pour aller surfer à l’aurore. Des scènes à vélo, en skate, sur une planche de surf puis dans un van : on suit le parcours de trois amis à travers la nuit, à travers les vagues et puis dans le drame. Ce dernier remplace tout de suite la beauté de ces instants par des choix bien moins marrants. Toujours avec un soin particulier pour les images, c’est désormais une alternance d’espoir et de souffrance que la réalisatrice va nous faire vivre et surtout beaucoup de larmes, du moins pour ma part. L’affiche du film est à l’image de son esthétique qui rend bien compte de la dimension quasi-spirituelle fortement présente et parfaitement mise en scène par Katell Quillévéré.


Ces émotions, elles passent aussi par tous les acteurs du film. Aucun n’est principal mais tous ont leur rôle à jouer et leur ton à donner à l’histoire. Que ce soient les parents, qui souffrent et doivent faire un choix douloureux, les médecins faisant part d’une grande humanité ou bien la seconde famille mise en scène qui, elle, montre au contraire le côté rempli d’espoir et de vie du film. Comme le dit la réalisatrice elle même « le personnage principal c’est ce coeur », celui de Simon, qui se trouve en mort cérébrale à la suite d’un traumatisme crânien, et tout ce qui s’articule autour de ce coeur devient sublime. Malgré quelques fausses notes de la part de Kool Shen et Bouli Lanners (respectivement dans le rôle du père de Simon et de son médecin) selon moi, on ne sort pas du film, on reste focalisés sur ce don d’organe, sur cette douleur, sur la vie. J’ai trouvé Tahar Rahim, encore une fois, très juste et très vrai, en jouant le personnage d’un coordinateur lors du don d’organe, il fait preuve d’une bienveillance et d’une humanité qui lui va si bien. Tout comme Anne Dorval, dans le rôle d’une patiente malade du coeur, qui elle nous bouleverse par le fil de la vie sur lequel elle se tient debout, mais bancale. Alice Taglioni fait une petite apparition mais donne elle aussi, en peu de temps, des notes d’espoir et d’amour si importantes qu’on y tient. Puis la revoir aimer les femmes à l’écran (après Sous les jupes des filles), je ne pouvais que dire oui.


La force du film se trouve essentiellement dans les deux énergies différentes que l’on rencontre. D’un côté la mort, de l’autre la vie. On ne peut pas faire plus simple comme oxymore mais la réalisatrice ne se résout pas seulement à cela dans sa façon d’aborder les deux thèmes. Aborder ces deux entités de manière brutalement opposée semblait facile et réducteur alors Réparer les vivants nous parle de l’urgence de vivre, de rêves qui nous maintiennent en vie et de la mort qui n’est finalement pas une fin en soi lorsque l’on choisit de donner ses organes. Quelque chose de transcendant se détache du film et nous submerge. D’une part, les allusions à la religion, à la notion de sacré quand il s’agit de la mort de Simon comme quand Thomas (Tahar Rahim) lave son corps. D’autre part, l’espoir et l’envie, par l’hallucination de l’infirmière dans l’ascenseur qui ramène à la fragilité de l’existence poussant à dire les choses, ici, c’est « Je t’aime » ; puis aussi par le dénouement de l’histoire que je garderai secrète pour ceux qui veulent voir le film mais qui donne une folle envie de vivre.

gwennaelle_m
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le 23 oct. 2016

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