Messieurs je-ne-sais-pas-grand-chose-et-j'en-parle-n'importe-comment

[Remarques générales. Je n'ai pas envie de juger et noter des films que je n'ai vus qu'une fois, souvent avec peu de connaissance du contexte de production. Je note donc 5 par défaut, et 10 ou 1 en cas de coup de cœur ou si le film m'a particulièrement énervé. Ma « critique » liste et analyse plutôt les éléments qui m'ont (dé)plu, interpellé, fait réfléchir, ému, etc. Attention, tout ceci sans égard pour les spoilers !]


J'ai aimé une chose dans Monsieur Je-Sais-Tout, une seule. En tant que supporter de l'Olympique Lyonnais, voir en boucle le but de Govou contre l'OM a été un grand plaisir ! Pour ce qui est du reste...


Je suis allé voir ce film parce que je m'intéressais aux représentations qu'il véhiculait sur deux sujets qui me tiennent à cœur : le sport, et l'autisme. Suite au visionnage de la bande-annonce, je ne m'attendais pas à ce que ces représentations m'enthousiasment beaucoup, mais je voulais en avoir le cœur net, et voilà : j'ai beaucoup râlé. (Je vais donc me contenter de cet approche, et ne pas m'éterniser sur les faiblesses du scénario par exemple, même si je ne résiste pas à souligner ici la bizarrerie des postulats qui conduisent Léo à Vincent.)


Le football reste généralement au second plan. Rien à me mettre sous la dent dans le traitement esthétique donc ; et le film véhicule en une image assez ridicule puisqu'il donne raison à Léo (Max Baissette de Malglaive) qui le décrit comme un jeu « horriblement simpliste », que son cerveau analytique permet de percer à jour bien mieux que les échecs. Les comportements des joueurs deviennent totalement prévisibles pour Léo, qui devient par conséquent un excellent gardien de but. (Or, non, juste non. D'ailleurs il est effectivement assez facile de prévoir les déplacements et choix de joueur-se-s de foot avec un peu d'habitude, l'enjeu est surtout dans la rapidité et la précision de leur exécution, et les qualités d'un gardien de but, comme les réflexes, s'obtiennent en s'entraînant.)


C'est l'autisme qui a le devant de la scène. Certains éléments (la volonté de Mathilde (Alice David) d'expliquer, le fait qu'elle mentionne quand même que les TSA ne sont pas des génies mais des personnes qui rencontrent de grandes difficultés dans leur insertion dans le monde, la façon de parler et de montrer l'hôpital psychiatrique...) me laissent penser que quelque part au départ du projet (un livre, La surface de réparation, avant d'être un film) il y a eu une documentation sérieuse et une volonté de bien faire. Malheureusement, ces possibles bonnes intentions d'origine se sont perdues. Heureusement par exemple que Mathilde et Vincent (Arnaud Ducret) considèrent (lui dans un second temps) Léo comme un être humain, parce qu'il n'est sinon montré que comme un freak, une sorte de Martien (dixit Vincent) pas très humain. D'ailleurs, lorsque Mathilde emploie le terme « neurotypique » et doit l'expliquer à Vincent, voici à quoi on a droit : « les neurotypiques, ce sont les gens normaux ». Eh bien non, le terme désigne les personnes sans autisme, mais justement l'objectif c'est de ne pas faire une classification entre les « normaux-ales » et les « anormaux-ales ». (À propos de terminologie, soit dit en passant, le terme « Asperger » est encore assez commun, mais désormais c'est « TSA » (Troubles du Spectre de l'Autisme) lui est préféré dans le vocabulaire médical). Pour en revenir à mon motif d'énervement principal, ce qui m'a vraiment posé problème c'est le personnage de Léo, avec certes une certaine attention au réalisme de la façon de le montrer, mais des clichés à la pelle (l'autiste comme génie) et aucun accès à sa subjectivité, aucune empathie, ce qui conduit à faire de lui un Autre. Léo n'est pas un être humain, c'est un Autiste. Les adultes le manipulent d'ailleurs sans jamais le prendre en compte, on ne sait pas vraiment qui a sa responsabilité légale (mais Mathilde prend plus part que Léo aux décisions qui le concernent), il est proposé de le déplacer ici ou là au gré des déplacements et choix de vie des adultes : qu'il passe les dix prochaines années dans un institut spécialisé ou un club de football ne dépend que du bon vouloir de Vincent et compagnie.


En prime, il n'est pas recommandé d'être attentif-ve aux représentations quand on visionne un film comme Monsieur Je-sais-tout qui dès le début met en scène de manière totalement sexiste la relation entre Mathilde et Vincent. Celle-ci, objectivée à l'envi par la caméra qui filme ses lèvres et ses courbes en gros plan, débarque en plein entraînement sur sa moto, enlève son casque d'un geste canoniquement sexy et indique à Vincent qu'il doit venir la voir en visite médicale. Ensuite, on insiste beaucoup sur la beauté de Mathilde, qui avec le sourire se laisse draguer agressivement par Vincent à qui elle finit par rouler des pelles - parce que même s'il n'a pas grand-chose pour lui, c'est le personnage principal, et c'est bien connu, les femmes canon adorent les personnages principaux, peu importe s'ils sont égoïstes, pénibles et pas bien beaux.


Cerise sur le gâteau, le dernier plan m'a paru totalement bâclé puisque Vincent et Léo placent leurs pièces assez approximativement sur l'échiquier, et dans le mauvais sens (la case en bas à droite est noire, elle devrait être blanche), ce qui est totalement incompatible avec le personnage de Léo. C'est la dernière image, et c'est un détail mais que n'importe quel-le joueur-se d'échec remarque facilement : j'y vois un ultime symptôme de la maladresse des réalisateurs et scénaristes Stéphan Archinard et François Prévôt-Leygonie à traiter leur histoire.

Rometach
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le 5 juin 2018

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