Monuments men (2014) est le cinquième film de Georges CLOONEY après les notables Good Night and Good luck (2005) et Les Marches du pouvoir (The Ides of March en VO, 2011).


Nous sommes en 1944. Le Débarquement vient tout juste d’avoir lieu et les troupes allemandes commencent à refluer vers Berlin. Avec elles, s’organise un rapt systématique et organisé de toutes les œuvres d’art des zones occupées : retables et statuts d’églises mais aussi quantité d’œuvres et objets d’art spoliés aux familles juives déportés. Face à cette subtilisation de la mémoire artistique de l’Europe, le curateur Frank Stokes (Georges CLOONEY) monte une équipe hétéroclite pour rechercher, récupérer et sauver ces chefs d’œuvres de l’art mondial. Sur le terrain, ces héros de l’ombre feront l’expérience de la guerre, de l’opposition et de l’incompréhension des militaires sur place et feront face à divers officiers allemands soucieux de fuir avec le plus de butin ou de s'en débarrasser en obéissant aux ordres. Le tout avec la menace des soviétiques, avançant par l’Est avec les mêmes objectifs de « récupération » du patrimoine européen.


Le film tire son sujet d’une histoire vraie, celle de plusieurs hommes de lettres (historiens, conservateurs, archivistes, universitaires et artistes) venant d’horizons divers (américains et européens) mais qui unirent leurs forces et leur passions pour une cause toute aussi importante (quoi qu’on puisse en penser de manière utilitariste) que sauver des vies et des nations : sauver leur patrimoine et leur mémoire.


Si le sujet est passionnant et présage d’une chasse au trésor extraordinaire car historiquement avérée, le film de Georges CLOONEY ne parvient pas à transmettre ce souffle épique ou ce suspense que l’on pourrait être en droit d’attendre d’un film de guerre couplé d’une enquête sur fond artistique.


En premier lieu, l’histoire et le montage sont difficiles à suivre. L’aventure se passe en plusieurs lieux simultanément car l’équipe des monuments men se divise immédiatement entre Paris, Bruges, Gand et divers points en Allemagne. Le montage alterne continuellement entre les différents lieux d’action, et cela, sans introduire de scènes de transitions nous permettant d’identifier les lieux, la temporalité ou les personnages. Ce montage alternatif présente aussi côte à côte les exactions artistiques des nazis et la course contre la montre des monuments men pour les en empêcher, mais les scènes ne parviennent pas à créer du suspense.


Le film laisse donc le spectateur dans un certain flou concernant l’intrigue à suivre.


Il en est aussi de même à propos des membres du Monuments, Fine Arts and Archives Program. La scène les présentant est expéditive et classique (le chef d’équipe qui vient les débaucher chacun sur leur lieu de travail), et s’ils semblent déjà tous se connaitre, rien ne nous est exposé sur leur passé, expériences et compétences. D’où viennent-ils ? Qui sont-ils ? Pourquoi sont-ils ici et comment ont-ils été sélectionnés ? Seul le réseau universitaire et artistique semble être une bonne justification à ces questions.


Par ailleurs, les interprétations ne sont pas non plus exceptionnelles : Bill MURRAY fait du Bill MURRAY au minimum, Georges CLOONEY et Matt DAMON n’émeuvent pas malgré leurs discours et leurs rapports émotionnels à l’art. Il est même difficile de voir dans leurs rôles les conservateurs de musées et autres architectes qu’ils sont sensés incarnés, car leurs métiers ou connaissances intrinsèques liées à leurs activités ne sont jamais ni évoquées, ni utilisées dans leurs missions. A titre d’exemple, évoquons le cas de la mine anti-personnel devant laquelle tout le monde sait exactement quoi faire, comme de vrais militaires et non plus comme des archivistes étant soldats. Le seul qui sort du lot est John GOODMAN, touchant et touché par les horreurs de la guerre avec une tonalité dramatique juste quand les autres sont plus dans un registre comique ou léger.


Enfin, le film se heurte à un autre problème à la fois formel et théorique : comment représenter les beaux-arts au cinéma ? Le cinéma est l’art de l’illusion, l’illusion du réel par l’artifice (décors fictif, acteur jouant un rôle, etc.). Comme pour le théâtre, c’est par un contrat tacite avec le film que le spectateur accepte de croire que ce qu’il voit est réel. Or, sauf cas très exceptionnels, il n’est pas possible d’avoir dans un film un vrai tableau. Il s’agit soit de copies, soit d’imprimés. C’est alors la magie du cinéma qui nous donne l’impression d’être en présence d’une véritable toile de maître. Or, tout au long du film Monuments men, je n’ai pas réussi à y croire. Je n’y voyais que de pâles imprimés, ce qui ne m’a pas permis de l’inquiéter ou de m’émouvoir pour le sort de ces toiles. Après analyse, il semble que cela soit dû à un manque d'envergure dans la mise en scène des tableaux : pas de lents travellings avant pour les découvrir, pas de musiques particulièrement exceptionnel (toujours Alexandre DESPLAT…) ni d’interprétation d’acteurs subjugués par ce qu’ils découvrent ou retrouvent (tout juste un « Oh my god » répétitif à valeur humoristique). Je ne me suis donc pas senti impliqué par ce film au sujet pourtant passionnant en ce qui me concerne.


L’Art ne semble pas être un sujet fondamental pour ce film. Il n’y a aucune discussion artistique ou d’histoire de l’art entre les protagonistes et la quête des objets d’arts trouve plus sa justification dans l’accomplissement d’une mission en souvenir d’un compagnon défunt que pour l’œuvre d’art en elle-même (certes la vie humaine vaut mieux qu’un tableau mais ce genre d’engagement, des soldats aussi l’auraient eu).


Monuments men est donc un film en demi-teinte, sans doute sincère mais sans grande envergure, un brin caricatural à certains moments. Pour autant, le métrage a le mérite de mettre en lumière ces hommes de l’ombre et leurs actions pour une mémoire de l’Art et du Patrimoine.

Créée

le 20 août 2020

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