"In moonlight, black boys look blue."

Rien de tel pour écrire un avis sur Moonlight que de l'écrire à minuit. En début d'année je me suis fixé l'objectif d'une critique par film mais c'est une grossière erreur de ma part car j'ai réalisé qu'il fallait quelque chose, ce petit truc qui me pousse et me motive à donner mon avis. Là-dessus, Moonlight m'a torturé, puisque je me considère amateur en rédaction et je souhaite m'améliorer mais je ne voulais en aucun cas me rater sur cet avis. Vous comprendrez que j'ai été profondément touché.


Moonlight, c'est l'histoire en triptyque de Chiron, de l'enfance à l'âge adulte en passant par l'adolescence, qui va essayer de trouver sa place dans le monde alors qu'il subit les problèmes de la vie et de son quartier.


Raflant tous les prix possibles et imaginables, mon intérêt pour ce film n'a fait qu'accroitre au fil du temps, autant dire qu'en entendant parler d'une avant-première en présence du réalisateur, je n'ai pas hésité une seule seconde. Et c'est cette affiche, cette somptueuse affiche qui m'a servi de base, car je n'avais même pas lu un seul résumé.


La vie d'un enfant noir à Miami, c'est tout ce que je pensais voir. L'ouverture du film se faisant sur un long plan et posant directement une esthétique qui saura être tout du long irréprochable, ça annonçait une oeuvre parfaitement maîtrisée qui allait dépeindre un environnement fabuleusement hostile, puisque le décor est beau mais la situation déplorable. Je ne suis pas en train de dire que je ne l'aurais pas aimé s'il s'était juste contenté de ça, je veux juste souligner que c'est cet élément supplémentaire qui, pour ma part, a fait de Moonlight un incontournable et cet élément, ce thème c'est celui de l'homosexualité.


Little, Chiron et Black. Trois noms, trois actes. Little, enfant fragile ayant disparu de l'esprit de sa mère, accro au crack. Incapable de s'intégrer lors d'un jeu, incapable de parler lorsqu'on lui pose une question, Little voit Juan comme la figure paternelle qu'il n'a sûrement jamais eu et n'a pas lors des évènements du film. Juan, dealer, va tenter de le remettre sur le droit chemin et le couver autant que possible, lui offrant un refuge quand sa mère n'est pas là pour assumer ses responsabilités.


"What's a faggot ?", c'est la réplique qui va lancer avec beauté tous les évènements suivant et surtout exposer la qualité des dialogues ainsi que leur portée. "You can be gay, but you don't have to let nobody call you a faggot." délivré par un Mahershala Ali exceptionnel marquera Little au fer rouge sans oublier la séquence de nage.


Chiron, c'est l'adolescence difficile. L'accent est mis sur son intégration dans l'école. Insulté de tapette et même finalement tabassé par la personne dont il était amoureux, Kevin, contraint à passer à l'acte car rappelons-le, dans cet endroit il est interdit d'aimer un autre homme et plus simplement d'être différent. Cette fausse trahison va réveiller Chiron qui se vengera, déclenchant ce qui fera de lui Black.


Un dernier acte qui prend tout son sens grâce au passé du personnage. Black, c'est le Chiron devenu fort et implacable, ayant corrigé tout problème suite aux épreuves de son passé. Il décide de renouer avec son vieil ami, sa seule expérience sexuelle et là est toute la magie de ces dernières minutes, point culminant de tout ce récit en ramenant Little mais aussi Chiron, cet enfant qui a grandi sans cette mère qui plus jeune lui prenait jusqu'à son argent pour se procurer de la drogue, qui laisse un gosse se débrouiller seul pour chauffer son bain en transportant une énorme quantité d'eau bouillante alors qu'il est minuscule, cet enfant qui n'a trouvé comme refuge que son ami Kevin, Juan étant mort depuis peu lors de cet acte.


Cette perte de Juan, cette soudaine absence de protection va rendre Chiron vulnérable et le tourner vers l'unique ami qu'il a et dont il a toujours été proche, Kevin. Black est donc cet homme d'apparence indestructible mais qui au fond, comme le montre le dernier plan, n'est que ce petit garçon, seul face au monde.


D'une esthétique léchée et irréprochable, Moonlight dépeint une société de violence et de drogue dans laquelle l'amour du même sexe est tabou. Une vraie leçon d'humanité qui touche directement au coeur tant Chiron est attachant, sans jamais tomber dans la leçon forcée de morale. Rares sont les films qui me procurent complètement cette sensation mais Moonlight est une pépite qui me rappelle ô combien le cinéma est beau dans sa capacité à nous faire pénétrer dans un monde totalement différent pour faire rire, frissonner et même pleurer sans aucune honte.

Pierre_Leroy_De
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le 20 janv. 2017

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Pierre Leroy

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