Fraîchement oscarisé, "Moonlight" semble, de prime abord, être un de ces films dont est friand l'Académie hollywoodienne. Un jeune black issu d'un milieu défavorisé, une histoire en trois temps (enfance, adolescence, âge adulte) et des révélations (les acteurs mais aussi Barry Jenkins, le réalisateur dont c'est ici le premier coup d'essai) a qui l'on pourra confier le prochain film sur la ségrégation raciale ou mettre aux côtés d'un Denzel Washington pour supporter encore plus l'aura médiatique de la superstar. Il y a un peu de tout ça dans ce "Moonlight" mais il y a aussi d'autres choses qui valent le détour. Le principal intérêt du film réside dans sa mise en scène léchée qui joue la carte du contemplatif à fond en parvenant de façon admirable à plonger le spectateur au plus près de l'action. Les plans sont magnifiques, les jeux de lumière de toute beauté et le film se déroule comme un tapis de paillettes rien que pour le plaisir des yeux. Les trois acteurs incarnant le jeune Chiron, monolithique et fascinants, emportent eux aussi l'adhésion. Seulement voilà, cette histoire de parcours de vie d'un jeune gosse fuyant le déterminisme de son milieu social pour suivre sa propre voie est intéressante mais bien trop pauvre pour éveiller une quelconque curiosité. Si les deux premières parties du film valent vraiment le coup d'oeil, la dernière s'enlise en se posant la question de quel chemin va suivre Chiron : celles que les autres lui ont tracé ou celle qui se trouve au fond de son coeur? Un bien beau message mais franchement niais dans un univers gangsta dépouillé de tout artifice qui privilégie la finesse au sensationnel. "Moonlight" est un bel essai qui, s'il manque d'originalité et de profondeur, n'en témoigne pas moins d'un potentiel assez énorme chez ce jeune réalisateur sans doute promis aux feux d'Hollywood.