"Right there. You in the middle of the world."

Alors, ça va être compliqué pour moi de parler de Moonlight du fait du contexte dans lequel j'ai vu le film, à savoir chez moi (tipiak, yaaarrr) et surtout, APRÈS qu'il ait reçu l'Oscar du meilleur film, mais, vous inquiétez pas, ça va bien se passer.


Moonlight est un film important, je le dis maintenant histoire qu'on se mette tous d'accord là-dessus. Un film qui traite de l'homosexualité chez les afro-américains appartenant à la basse classe sociale, déjà, ça ne se voit pas souvent dans le paysage cinématographique donc ça a le mérite d'être original, et en plus la question est très bien traitée donc que demande le peuple, mais aussi parce que, de base, l'homosexualité dans la communauté afro-américaine n'est quasiment jamais traitée au cinéma, parce que vous pouvez chercher, mais quand il y a des gays dans des films, c'est généralement des blancs qui n'ont pas vraiment à se soucier de savoir s'ils vont réussir à se payer l'eau chaude le mois prochain, donc enfin un peu de diversité dans la diversité, on pourrait presque croire que c'est Christopher Nolan qui a produit le film (alors qu'en fait, c'est Brad Pitt. Ce mec a un truc avec les films dont les persos principaux sont des noirs et les Oscars, c'est pas possible).


Donc, Moonlight est un film important, mais est-ce qu'il est bon ?


Oui.


Allez salut à tous et merci d'avoir lu.


Non je déconne, c'est plus compliqué que ça.


C'est plus compliqué que ça parce que le film a plein d'idées intéressantes, que ce soit au niveau de la réalisation, du montage, de l'écriture, de la photograhie, etc etc, et pousse ces idées très loin, MAIS, jamais jusqu'au bout, à chaque fois, il manque le petit truc qui ferait que l'idée serait aboutie. Par exemple, dans le premier chapitre du film, il y a un travail sur le flou, mais pendant 2 séquences (à savoir la première où on voit Juan et celle où il est sur la plage avec Chiron), et j'ai beau me creuser la tête, mais je ne vois pas ce que ce flou transmet, que ce soit pris en tant que tel dans la séquence, ou que ce soit en joignant les deux, je galère tellement à lui trouver un sens que j'en suis presque à me dire qu'il était involontaire, qu'on est en face d'une erreur, et non d'une intention de réalisation.
Pareil, au niveau de l'écriture, on a, à la fin du chapitre 2, le début de la violence chez Chiron, et le chapitre se termine là-dessus et... c'est tout. On pourrait penser qu'on en verrait plus dans le chapitre 3, pour assister à la montée en puissance dans le milieu du crime, mais non. Il fait une petite frayeur à un mec à un moment mais ça s'arrête là. On comprend que Chiron a su imposer un certain respect vis-à-vis de lui, mais on ne voit pas comment il a été imposé, la violence qui a permis ce respect. Et si le film n'avait pas déjà montré de la violence avant ça, je n'aurais rien dit, mais c'est justement parce que Chiron a été violenté, ce qui permet une scène très forte et très anxiogène d'ailleurs, qui cède lui-même à la violence, donc encore une fois, on a une très bonne idée, montrer une violence viscérale, mais ça ne va pas jusqu'au bout. Et à la fin, quand Chiron retrouve Kévin, qu'on sent qu'il y a un désir de l'un vers l'autre partagé par les deux, on a droit à... un câlin et des papouilles sur le front... Ah.... Euh... Même pas un bisou ? Même juste sur la joue je suis preneur hein. Non ? Bon. Bah... Tant pis.
Et malheureusement, je pourrais continuer pendant pas mal de temps comme ça, parce que c'est ça qui se dégage du film une fois qu'il se finit : un truc excellent, vraiment, abouti à 90%, et non à 100%, parce que ça n'empêche pas que les acteurs sont tous incroyable, Mahershala Ali et Naomie Harris en tête, mais aussi Ashton Sanders (Chiron ado) et Trevante Rhodes (Chiron adulte), qui sont de véritables révélations, et j'espère vraiment les voir plus souvent sur un écran dans le futur. La photographie du film est aussi vraiment très belle (le champ/contre-champ entre Chiron ado et sa mère en face à face, simple, mais diablement efficace), les dialogues sont aussi très très bons (rien d'étonnant, Moonlight est à la base une pièce de théâtre, et l'auteur de ladite pièce a travailler sur le scénario du film), et le montage vraiment bon lui aussi, avec une utilisation vraiment très bonne de la musique classique, ce qui donne des moments à la limite du magistral.


Viens maintenant la question des Oscars que ce film a reçus.
Alors, je ne vais pas parler de l'Oscar du meilleur scénario adapté et l'Oscar du meilleur acteur dans un second rôle pour Mahershala Ali, car ils sont tous les deux mille fois mérités, mais je vais cependant parler de l'Oscar du meilleur film, parce que, à mon grand regret, Moonlight ne mérite pas cet Oscar, parce que, en comparaison à La La Land, qui était le favori pour cette récompense, Moonlight dégage un sentiment de ne pas être abouti justement, et ne propose pas les mêmes performances techniques que La La Land qui plus est, mais aussi, parce que Moonlight est très terre à terre quant à son message, dans le sens où il n'y a pas besoin de fouiller pour le percevoir et, même si on a besoin de ce genre de message dans le cinéma, reste basique contrairement à La La Land, qui a réussi à bien cacher son jeu aux yeux d'une grande majorité du public, et que j'ai découvert grâce à @CaptainMarv , dont l'analyse me paraît d'une justesse incroyable :


" Si il fallait l'affirmer et le redire une dernière fois, sans être un chef d'oeuvre ultime, oui, La La Land mérite l'oscar du meilleur film. Au-delà de la technique, des plans séquences, du visuel bonbon pour les yeux ou juste de la bonne musique, le film transmet un truc fort. C'est un film d'amour qui arrive à rappeler à l'inconscient collectif ce que c'est de tomber amoureux. C'est tout con, mais peu y arrivent. Toute l'intelligence du scénar c'est de parvenir à l'équilibre de parler aussi bien de la condition d'artiste que de l'être amoureux. Et de transmettre pas juste une histoire amoureuse, mais son imaginaire, son inconscient. On touche visuellement l'émotion à l'écran. Et de ne pas parler de ce qui a existé, mais de la somme de ce qui ne l'a pas été et aurait pu l'être. Autrement dit, filmer l'invisible. Et non seulement c'est difficile techniquement(comment une image peut montrer l'invisible) mais c'est une réflexion sur l'outil cinéma. La La Land n'est pas une lettre d'amour à Hollywood, c'est un manifeste critique d'Hollywood, une thèse sur son pouvoir et ses limites. C'est pour ça que La La Land mérite l'oscar du meilleur film. On est plus proche de David Lynch que de Demy et Singin in the rain ".


Tout ça pour dire, qu'au final, ce qui ressort de la victoire de Moonlight pour l'Oscar du meilleur film, c'est qu'on a récompensé une cause, et non un film. Et le problème, c'est que ça commence à devenir quelque chose de normal (Spotlight, Oscar du meilleur film en 2016, pour ne citer que lui comme exemple), et juste, non. L'Oscar du meilleur, ça n'est pas n'importe quelle récompense, c'est LA récompense, celle qui récompense le film dont les qualités techniques ne peuvent être questionnées du fait de leur quasi, si ce n'est totale perfection, un film qui va jusqu'au bout de toutes ses idées, un film où il ne manque rien. Est-ce que c'est le cas pour La La Land ? Seuls vous êtes jugent, et le débat mérite d'être mené, mais ce n'est clairement pas le cas de Moonlight. Le cinéma peut être militant, et ce peu importe la cause puisque "tout film est politique" (Céline Sciamma dans le documentaire Les Cinéphiles, à paraître prochainement), ce qui veut dire que dans tout film, on peut percevoir un propos politique, et non que tout film n'est que politique, que le seul but d'un film, et par extension, du cinéma, est de transmettre un message politique. Quand on récompense un film, on est censé récompenser un film, pas du militantisme.

ThomasRegnier
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le 3 mars 2017

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Thomas Regnier

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