Adapté d’une pièce de théâtre, le film de Barry Jenkins narre -en trois actes- le passage à l’âge adulte d’un homme afro-américain gay, sur qui le destin s’acharne. Un récit poignant, porté par une vulnérabilité palpable.
«J’ai demandé à la lune, si tu voulais encore de moi». Voilà une phrase que le jeune Chiron pourrait répéter à sa mère tous les jours. Coincé entre la violence et la drogue, il vit dans un ghetto de Liberty City, près de Miami, dans les années 1980. Et alors qu’il n’a pas encore 10 ans, cet enfant afro-américain doit faire avec la cruelle réalité de son environnement. Un père absent, une mère accro au crack; le poids de la fatalité pèse bien lourd sur les épaules chétives du petit garçon. Le bonheur, Chiron est de ceux qui doivent le mériter.
Maigre et timide, il n’est pas épargné par ses camarades de classe, qui le considèrent comme un «faggot» (tapette). Pourtant lui est un survivant, simplement en quête d’une identité. Seul Kevin, son ami, ne lui inflige pas un tel sort; il est l’unique individu de son entourage à pouvoir comprendre ses émotions de solitaire. Leurs destins sont liés.
Le cercle vicieux de l’existence
Surnommé «Little», Chiron va alors faire une rencontre qui va changer sa vie. Fuyant -à tout prix- le domicile familial, il découvre Juan (Mahershala Ali, alias Remy Danton dans House of Cards), un dealer. Celui-ci devient rapidement le modèle de l’enfant, en quête d’une figure paternelle.
Quelques années plus tard, Chiron est désormais âgé de 16 ans. Avec sa sensibilité étouffante, il doit faire face à sa sexualité naissante, dans la douce nuit floridienne. Il entame ainsi le long chemin vers l’acceptation de soi. Une route mouvementée, qui le mènera en prison, façonnera son corps, et le conduira là où tout a débuté. Un nouveau surnom pour un nouveau personnage: «Black».
Un drame dans la course aux Oscars
Le réalisateur Barry Jenkins s’attaque au tabou de l’homosexualité dans la communauté afro-américaine et dans les quartiers sensibles. Un film sur des noirs, où le racisme n’est pas abordé une seule fois; aucun blanc n’apparaît à l’écran, Chiron est seul face à son humanité. Outre-passant les clichés éculés du genre, le long-métrage pourrait bien devenir un déclic pour le cinéma afro-américain.
En adaptant la pièce Choir Boy de son «frère» Tarell Alvin McCraney, le cinéaste réalise un coup magistral pour sa première production à l’affiche en France. Trois personnages, tous perdus face aux spectateurs, qui dégagent de l’empathie. Et ce malgré quelques défauts de mise en scène. Meilleur film dramatique aux Golden Globes, Moonlight a obtenu pas moins de 8 nominations pour les Oscars (dont Meilleur film et Meilleur réalisateur).
Un véritable drame -rare- qui évoque avec délicatesse la difficulté de la quête d’une identité sexuelle. Car Moonlight, c’est avant tout l’histoire d’un enfant qui va devenir un homme, grâce à une émotivité fondamentale, absolue. Bouleversante.
Guillaume Narduzzi