Quoi de mieux que l'anniversaire des 80 ans du célèbre réalisateur Hayao Miyazaki pour évoquer le voyage semé d'embûches qu'effectue le jeune Chiron dans le film oscarisé "Moonlight" réalisé par Barry Jenkins.


Le film raconte le parcours atypique de l'enfance à l'âge adulte de Chiron, jeune Afro-américain, dans un quartier difficile de Miami qui suinte la chaleur et l'humidité. Et c'est dans cette suffocante et surnommée Magic City que le jeune Chiron va devoir répondre à de nombreuses questions concernant son identité.


Il serait bien trop simple de réduire Moonlight à un film qui traite de la place de l'homosexualité au sein de la communauté Afro-Américaine car en réalité, il est bien plus que cela.


En effet, Barry Jenkins signe avec Moonlight un film social qui ne place pas le romantisme au-dessus de la ville de Miami mais qui, bien au contraire l'ancre en son sein pour montrer à quel point l'environnement de cette ville influe sur les sentiments. D'ailleurs, le sentiment d'ancrage peut s'illustrer par les nombreuses scènes où les personnages sont assis, comme pour insister sur le fait que les personnages sont retenus par la ville.


Il y a aussi le sentiment d'insécurité que filme à travers une caméra tremblante Barry Jenkins, comme pour nous rappeler à quel point la drogue joue un rôle majeur et néfaste dans les quartiers défavorisés de Miami. Il est au passage important de souligner la performance bouleversante de Naomie Harris comme mère toxicomane ayant la peau sur les os et réduite à la dépendance.


De plus, il est difficile de ne pas évoquer l'idée de transmission, thème aussi abordé par le réalisateur américain à travers le personnage de Juan interprété par Mahershala Ali. L'acteur oscarisé se place ici comme un père spirituel pour le jeune Chiron, notamment lors de la sublime scène rythmée par la musique de Nicholas Britell où Juan apprend à Chiron à nager et donc à "maintenir la tête au-dessus de l'eau". Ceci lui donne un caractère hautement symbolique tant la survie a remplacé la vie dans l'environnement du jeune garçon. C'est en partie grâce à la virtuosité de ce passage et au charisme de Mahershala Ali que Barry Jenkins réussit à faire planer l'ombre de Juan sur le récit et nous faire sentir sa présence même dans les chapitres où il n'apparaît pas.


Enfin, il est impossible de parler de Moonlight sans évoquer l'osmose qui règne entre la partition musicale de Nicholas Britell et la mise en scène de Barry Jenkins. En effet, les pianos et violons nous permettent de sentir toute la douleur ainsi que l'amour que ressent Chiron au fond de lui dans sa quête d'identité tandis que la musique Soul des années 70-80 permet de faire passer certains messages comme le "Every Nigger is a Star" de Boris Gardiner au début du film. Celle-ci permet aussi d'exprimer des mots parfois trop douloureux à prononcer pour les protagonistes. L'exemple parfait étant la scène du Jukebox, où l'on entend Barbara Lewis dans son mythique "Hello Strangers" dire: "Hello Stranger, it seems so good to see you back again, how long has it been? It seems like a mighty long time" lors d'une scène de retrouvailles.


"Blue is the warmest color", le titre américain de "La vie d'Adèle" d'Abdellatif Kechiche, aurait pu être une autre idée de jeu de mots tant le bleu est omniprésent dans presque tous les plans de Moonlight. Barry Jenkins étant soucieux du moindre détail, il est possible de l'apercevoir sur la peau des personnages grâce aux reflets lumineux qui apparaissent sur celle-ci.


Avec Moonlight, Barry Jenkins signe un film à la fois engagé et poétique qui réussit parfaitement à respecter l'adage de la vieille dame qui dit: "Au clair de lune, les noirs sont bleus": somptueux.

Dudonabendo
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le 6 janv. 2021

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