C'est bien la première fois qu'un film me prend le coeur aussi doucement pour me le serrer si durement pendant deux heures. Et je crois que c'est bien la première fois aussi que mes yeux sont aussi proche de ce qu'on peut appeler la beauté. Là où elle échappe à Gustav von Aschenbach, Visconti nous l'offre. En modelant l'espace comme un sculpteur. Tels les piliers délimitant le chemin pour aller à la plage, ou encore l'imposante architecture de Venise, le cinemascope marque la distance et la solitude, ébranlées par les jeux de perspective et les zooms. Le moule et la pâte. Dureté du plan large et malléabilité du mouvement. Visconti embrasse les deux afin de faire jaillir la plus belle des vérités aux yeux de Gustav. La beauté naturelle. Vains étaient ses efforts de perfection musicale, là où quelques notes sur un piano font preuve d'une prouesse mathématique, le corps de ce jeune Tadzio éblouit de pureté. Les sens au lieu de l'esprit. Et pourtant, face à cet oeuvre, je reste bloqué, tout autant que lui, enfoncé dans mon canapé comme il l'est dans son transat, à vouloir toucher la dernière image, la main tendue, que déjà les mots défilent sur l'écran noir du générique de fin.