Je me souviens de cette période d’un autre temps ou je trainais parfois dans les salles d’arcade, les yeux rivés pendant des heures sur Mortal Kombat, en débattant avec mes amis afin de savoir si nous étions devant le jeu de combat qui surpassait Street Fighter 2. Mais pour autant que je me souvienne, même à l’époque où on passait tous nos après-midis à enchainer les fatalités censurées de la version Super Nintendo, on ne débattait guère de la profondeur du scénario. Pourquoi ? Parce qu’en dehors de quelques exceptions, les jeux de bastons ne brillent que rarement par leur écriture. Aussi bas de plafond soit-il, le film de 1995 réalisé par Paul W.S. Anderson l’avait bien compris. On avait donc eu droit à un petit film d’arts-martiaux sans prétention et plutôt fun, mais dont le franc succès commercial a largement dépassé ses qualités intrinsèques. Un exagéré plébiscite qui a engendré par la suite tout un panel d’épouvantables sous-produits, qu’il s’agisse de l’infecte suite Destruction Finale de John R.Leonetti, ou du dessin animé L’aventure Commence. Etant passée de mains en mains au fil des années, la licence est aujourd’hui toujours dans une forme olympique, notamment grâce à l’assez réussi Mortal Kombat XI, au top du genre en termes de ventes. C’est donc sans surprise qu’arrive cette nouvelle adaptation sur grand écran, avec aux commandes l’inexpérimenté Simon Mc Quoid. Mais, trop préoccupé à noyer son premier long-métrage sous un excès d’ambition trop lourd pour la franchise de Warner Bros, l’ancien publiciste tape encore une fois à côté, en dépit de quelques bonnes idées.


La scène d’ouverture autorisait pourtant tous les espoirs. Cet épique affrontement entre les deux hommes promis à devenir plus tard Scorpion et Sub-Zero est une vraie réussite, et met tout de suite en valeur certaines des plus grandes qualités du film. En premier lieu, ses combats stylisés, très bien chorégraphiés, et plutôt respectueux du jeu d’origine. En second lieu, la mise en scène léchée qui a le mérite de ne jamais nuire à la lisibilité des scènes les plus dynamiques, un écueil souvent rencontré dans nombre de films d’action modernes. Le visuel tire également son épingle du jeu grâce à son imagerie, très propre, qui permet une restitution assez fidèle de l’ambiance typique de Mortal Kombat. Direction artistique des décors de l’outre-monde ou character-design, l’habitué reconnaîtra personnages et univers au premier coup d’œil. Grosse déconvenue des premières adaptations, les amateurs de gore et des fameuses fatalités seront cette fois-ci bel et bien servis, certaines séquences ne lésinant pas sur l’hémoglobine. Des atouts sur lesquels ce Mortal Kombat 2021 aurait dû capitaliser pour tenir toutes ses promesses, mais qu’il va faire l’erreur de perdre de vue durant la majeure partie de son développement.


Et on en arrive à la principale bévue du long-métrage de Simon McQuoid : sa tendance à se prendre beaucoup trop au sérieux. Soyons honnêtes, l’histoire qui reprend les grandes lignes de celle de son modèle, ne fait guère dans la subtilité. Au mieux, elle essaie quelque peu d’apporter un peu de sang neuf en intégrant un nouveau héros en la personne de Cole Young, ou en situant l’intrigue en amont du décisif tournoi qui brille ici par son absence. Cependant, à trop vouloir appuyer la dimension épique d’un récit intrinsèquement simpliste, ou à tenter de donner de la profondeur aux personnages à grand renfort de dialogues de bas-étage, McQuoid finit rapidement par faire basculer son adaptation dans le ridicule. Et comme souvent dans ces cas-là, la production se complaît dans un excès de bavardages insipides et inutiles, enrobés d’une surcouche dégoulinante de thème musicaux trop appuyés. Parfois, ils créent le malaise comme au moment où Sonya se perd dans d’extravagantes explications théoriques sur le Mortal Kombat, passant presque pour une folle, terrée dans son bunker. Souvent ils ennuient, notamment lorsqu’ils s’attardent sur Liu-Kang ou Kung-Lao nous servant leurs interminables réflexions philosophiques et leçons de vie pendant de longues minutes. De futiles et verbeux intermèdes qui raréfient par conséquent la fréquence des combats, pourtant censés être au cœur d’un tel film, et constituant l’intérêt principal de la licence.


Si encore ces choix d’écriture s’accompagnaient d’un minimum d’équilibre et de cohérence. Mais la présence de clins d’œil aussi grossiers et fan-service que la marque du dragon ou les phrases de type « Flawless Victory » nous remettent rapidement les idées en place. La mise en place d’un nouveau héros n’avait rien d’un mauvais plan, mais encore aurait-il fallu qu’elle apporte une réelle valeur ajoutée. Tout lisse qu’il est, le pauvre Cole apporte finalement presque moins que sa famille, au moins capable de créer un minimum d’enjeu, ce qui interroge sur la pertinence de le privilégier à un des nombreux absents du casting original. Le puriste comprendra d’autant moins la surprenante présence de figures plus obscures comme Nitara, dont le caméo raté et inconsistant se montrera aussi inexplicable que l’absence d’un Johnny Cage ou d’une Kitana, dont les rôles clefs auraient largement pu combler quelques vides. Par ailleurs, je ne m’étendrai guère sur l’interprétation générale, bien trop lisse pour relever une narration déjà bien amochée. Je me contenterai juste de vous déconseiller le visionnage de cette purge en Français, tant l’approximation du doublage et un certain manque d’aisance avec les termes typiques de la licence Mortal Kombat, ici prononcés en anglais, accentue le grotesque des conversations.


Ne soyons pas trop mauvaise langue. Ce Mortal Kombat version 2021 n’atteint pas les sommets d’immondice de Destruction Finale, ou plus récemment, d’un Monster Hunter. Aussi idiote et prétentieuse soit-elle, il y a tout de même une volonté de raconter une histoire, et Simon McQuoid a au moins mis les formes pour que sa première réalisation ne parte pas trop dans tous les sens. Mais ses très nombreuses approximations et maladresses ne lui permettent pas pour autant de s’extirper du simple statut de complaisant produit dérivé. On multiplie les références en tout genre pour caresser le fan dans le sens du poil, on ajoute un peu de gore pour montrer qu’on a compris les erreurs du passé, et on s’inspire suffisamment de tout ce qui marche dans le cinéma d’action moderne pour octroyer à ce Mortal Kombat des allures de nouveau X-Men. Mais la mise en scène prétentieuse, ponctuée de musiques pour le moins exagérées ne font qu’accentuer le ridicule et la pauvreté des nombreux dialogues, qui parasitent le rythme et l’intérêt du long-métrage. Avec cette première réalisation, l’ex-publiciste avait à cœur de rendre une copie propre et sérieuse, qui l’aurait hissé vers de plus hautes sphères que le commun des tâcherons type Uwe Böll ou Paul W.S. Anderson. Mais le jeu de baston imaginé par Ed Boon et John Tobias ne se prêtait guère à une démarche aussi ambitieuse. Il en arrive donc à carrément perdre son duel face à l’itération de 1995, certes, beaucoup moins chiadée, mais tellement plus juste dans sa direction générale. Certainement la plus grande défaite d’une adaptation qui, comme tant d’autres, s’applique plus à essayer de satisfaire les amateurs de jeux vidéo les plus complaisants, qu’à s’adresser à un public plus cinéphile, alors qu’il s’agit pourtant de l’erreur la plus importante à éviter afin de réussir l’exercice.

Arnaud_Lalanne
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le 19 août 2021

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Arnaud Lalanne

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