Je ressors du cinéma et on sent ce silence non pas religieux mais gêné, tout le monde veut parler mais personne n'ose. Certains sont dubitatifs, d'autres ont les yeux fiévreux après avoir été confronté à deux heures paradoxales.


Paradoxales ? Mais pourquoi donc ?


(J'adore faire les réponses et les questions).


Et bien tout simplement car Mother! est un film énigmatique et obscur, à la symbolique lourde, à l'ambiance légèrement oppressante et aux acteurs sublimes. Alors ils y en a qui vont renifler et dire "Ça sent The Fountain ça ! Beaucoup de prétentions, de mystico-bullshit et de masturbation !"


Je leur répondrai qu'il y a un peu de ça, mais que c'est compensé par l'interprétation des acteurs et un scénario qui a su s'immiscer dans mon cerveau et qui me racle le haut de la voute cranienne en me posant des questions sur des détails. Ce bon vieux Darren sait filmer quelque chose de beau.


Et donc on sort de ce cinéma et on finit par rompre ce silence, on s'interroge tous ensemble, on partage, on se fait interrompre par un soixantenaire frustré qui veut vraiment comprendre ce qui vient de se passer.


Et on commence à en parler.


Donc ça commence à spoiler.


Vous êtes prévenus.


Mother! c'est donc un cycle infini de destruction et création, c'est l'artiste dans son cocon, sa relation à l'Art, à sa création et l'univers extérieur.


C'est au début la page blanche, c'est ces tentatives plus ou moins discrète de ce poète/Dieu pour se distraire et réussir à créer de nouveau en volant leur essence à ces visiteurs impromptus qui sont la bienvenue. C'est aussi la destruction des restes du cycle précédent, c'est la décadence finalement, le meilleur terreau pour faire jaillir la pureté de la fange.


Puis une fois la quintessence de la réalité volée et sublimée, c'est la fièvre créatrice, c'est l'insémination, la gestation, on écrit, cette vie grandit.


Puis on l'offre au monde alors qu'elle n'est pas encore prête, le public fanatique s'en empare, consume l'oeuvre, la fait sienne, la déforme, la dévore.


Et votre muse, l'Art, le début de tout, alors qu'elle s'est sacrifié et donné à l'Artiste, elle se retrouve trahie, affaiblie, battue, ensanglantée.


Il faut leur pardonner qu'il dit ce Poète.


Mais on purifie par la méthode la plus ancestrale qu'on connaisse.


Et on recommence.

Cmd
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le 15 sept. 2017

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