Évidement, quand on parle de Darren Aronosky, on sait que l'on va voir un film avec un coup d’œil "singulier" (complètement perché) sur la perception du monde (Pi, Requiem for a Dream, The Fountain...) ou même sur les troubles psychologiques dus à la pression d'une passion (Black Swan, The Wrestler...). Mais si en général la fumette lui réussit, ici il a tiré d'un trait tout le joint au point de nous faire une overdose ignoble. Et ce bad trip sorti de nulle part n'est pas l'affaire de quelques minutes, on perd ses yeux devant la demi-heure finale, une succession de scènes ridicules (le mot est faible face à ce désolant spectacle) à la prétendue symbolique divine "Tout-Puissant est celui qui créé" (Allelujah !) qui est lourde et incohérente. Cela partait pourtant si bien, au départ, qu'on se demandait pour quels raisons Mother! avait été l'un des favoris des Razzie Awards (récompensant les pires œuvres), car l'on découvre une jolie maison en construction dont le "cœur" (au littéral) bat au rythme de celui de la jeune femme qui la bâtit, ce qui pourrait être l'illustration d'un binôme femme-maison fantaisiste et plus inventif que l'idée (dépassée) que l'on se fait de la "bonne ménagère qui fait vivre la maison". On se frotte donc les mains à l'avance devant ce beau postulat "interaction animé-inanimé", surtout que Jennifer Lawrence donne de sa personne pour "construire" un personnage solide, que le mari écrivain ne lui vole pas la vedette (pour une fois), et que l'arrivée de la famille perturbatrice est - au départ - une intrigue que l'on n'attendait pas. Mais, alors que l'on sentait le discours s'égarant dans des métaphores visuelles ultra-lourdes (la maison qui brûle vue du ciel et qui forme l’œil de la femme, puis qui forme le tourbillon de l'escalier... Impossible de rater les appels du pied visuels), on tombe brutalement dans le carnaval de l'absurde avec des théories poussives "création - divinité" qui semblent sortir de derrière un bosquet. En l'espace d'une seconde, d'une seule, on ne sait pas comment on en est arrivés là. Nous en étions au mari qui joue les vedettes face aux paparazzis tandis que Madame cherche un endroit où accoucher, puis l'on passe à


une invasion de timbrés qui démolissent la maison ("je veux en garder un bout", moui, moui, moui... Prends déjà tes gouttes), puis le GIGN débarque en un éclair, puis l'éditrice du mari dégomme à coup de pistolet des hommes encagoulés (non, on ne rigole pas... On aurait préféré), puis la pauvre épouse passe dans la pièce d'à côté où des camps de réfugiés ont poussé comme des champignons (nucléaires, vu la vitesse), puis le mari la rattrape pour la faire accoucher et lui voler son bébé, l'offrir à ses fanatiques qui le tuent et le dévorent (c'est à ce stade qu'on a hésité à zapper pour de bon), tabassent la mère qui parvient à s'enfuir à la cave et fait sauter la baraque façon Shining, mais survit assez longtemps pour que le mari - apparemment pas humain - lui arrache le cœur dans lequel on trouve une pierre précieuse dont rêverait la Reine Elizabeth, et " ah oui au fait, c'est une boucle temporelle, donc on reprend au début..."


. Tout ça en un petit quart d'heure. Ça fait beaucoup, trop, vraiment trop. On atteint le générique de fin complètement ébaubis, ne sachant trop ce qu'on vient de voir, si c'était une blague (douteuse) ou si tout ce cirque était sérieux (oui, on avait compris la critique du monde actuel avec la guerre, les fanatiques, la célébrité, le manque d'attention à la famille... Mais l'approche de ces thèmes est tout simplement la plus ratée vue à ce jour, une véritable farce). Les seuls bons points sont ceux qui vont au démarrage agréable et à l'interprétation honnête de Jennifer Lawrence, qui parvient à ne pas (trop) faire sentir que le réalisateur la filme en gros plan de face environ 99% du film... Mais toute la dernière demi-heure se vautre dans un délire illisible et grotesque qui nous laisse la bouche grande ouverte. Le film nous le montre plusieurs fois : la moquette est un élément-clé de la maison, encore faut-il ne pas la fumer comme Aronosky le fait.

Aude_L
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le 25 janv. 2021

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Aude_L

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