Sherlock Holmes est vieux, à la retraite et souffre de démence sénile. Il tente alors plusieurs remèdes pour stimuler sa mémoire. Il en a besoin pour réécrire sa dernière affaire où il s’est passé quelque chose de catastrophique, quelque chose qui l’a poussé à la retraite.


Ian McKellen est éblouissant dans le rôle de Sherlock Holmes, il apporte une humanité, une vulnérabilité (comme quoi, ça ne date pas d’hier et, si l’association qui protège l’héritage d’Arthur Conan Doyle regardait ce film, ils lâcheraient l’affaire avec Enola Holmes) touchante et bienvenue. Néanmoins, si sa performance est correcte, c’est le traitement du personnage qui ne l’est pas toujours. Présenter un Sherlock Holmes sénile, faible et « oublié » de tous, soit ! S’amuser à détruire toute l’imagerie liée au personnage avec le cliché « non mais en fait c’est Watson qui a tout inventé », c’est déjà un peu moins intelligent, surtout quand c’est aussi peu utilisé. Le pauvre diable ne pourrait-il pas justifier l’absence de son deerstalker par le fait que la mode a changé et lui avec ? Après tout, on est censé être en 1947 !
Enfin, parlons-en des dates : on nous vend que l’action du film commence en 1947, comme je viens de le dire, mais Holmes raconte après que son histoire a commencé trente ans après la Grande Guerre. Alors, j’ai peut-être la prétention de m’y connaître en histoire mais il n’y a pas trois milliards de guerres qui ont eu ce surnom : on parle de la 1ère Guerre Mondiale, et je suis sûre qu’elle s’est terminée en 1918. Donc 1918+30= 1948. Ah ! il est fort, le plus grand détective du monde ! Parler d’événements qui ne lui sont pas encore arrivés ! Bon, quelques temps après on a un autre marqueur de temps : Sherlock Holmes est en retraite depuis trente-cinq ans. Donc, ça se passe en 1912 (est-ce que nous vivons dans un monde où la Grande Guerre s’est terminée en 1882 ? Mystère. Mais pas impossible puisqu’ils jouent déjà avec la date officielle de la retraite de Sherlock Holmes qui a eu officiellement lieu en 1907), ce qui est déjà un peu plus cohérent avec l’Histoire et ce qu’on voit à l’écran. Mais le montage et la voix off seront tellement mal faits qu’on restera avec le premier marqueur de temps, à se demander comment une telle incohérence a pu passer. Surtout que… la reconstitution historique n’est pas toujours excellente. J’ai eu un doute avec certains costumes au Japon car il faisait typique de la fin du XIXème siècle…
Enfin bon, mis à part ces détails, qu’en est-il du film ? Pour commencer, la photographie est assez jolie et la mise en scène aussi mais un peu plus molle. Quant au scénario… je comprends ce que l’écrivain, puis le scénariste, a fait… mais je n’en suis pas fan. Ça reste sympa à regarder, hein ! Mais je n’en suis pas fan.
Comprenez : nous suivons trois intrigues en même temps. La principale est celle de 1947, avec un Holmes nonagénaire. On le suit en train de s’occuper de ses abeilles, de lutter contre la démence sénile et de parler au fils de sa gouvernante qui le pousse en permanence à se souvenir (en lui demandant de lui raconter la suite de ses aventures). Je viens honnêtement de vous raconter tout le film sans spoiler. La deuxième intrigue, qui devrait être la plus importante mais ne l’est pas, nous parle de l’enquête qui hante Sherlock Holmes. Pareil, sans spoiler, elle est décevante et tu m’étonnes que Watson ait voulu la réécrire. Le petit père n’avait pas le sens de l’amitié mais celui du spectacle, c’est moi qui vous le dis ! Evidemment que ça allait mieux se vendre, celle qu’il a inventée (et dont l’adaptation cinématographique fictive a l’air si tentante) que la vraie histoire ! Bref ! passons à la troisième… qui est une vague histoire de voyage au Japon où Holmes va retrouver le fils d’un ancien client qui n’a plus jamais revu son père et… du coup, lui pose la question sauf qu’Holmes a oublié qu’il a un jour rencontré son père. Ah, et on lui offre une plante qui pourrait améliorer sa mémoire. Waouh !
L’un des effets de ce film est d’amorcer tout ce qu’on pense qui va se passer : la première intrigue devrait se terminer avec un élément fort (genre le tueur de la seconde intrigue retrouve Holmes et tente de s’en prendre à lui, sa gouvernante et son fils parce qu’il sent que le vieil homme est sur le point de découvrir le fin mot de l’histoire) mais ce sera « seulement » autour des abeilles. La deuxième devrait logiquement révéler un twist intéressant comme on en a l’habitude avec Sherlock Holmes : il n’en est rien. La troisième, alors ? qui en plus devrait relier le tout pour créer une enquête épique et inédite ! Non. Vraiment. On brasse du vide.
En soi, c’est une idée intéressante mais mal exploitée. Parce que même si ça nous surprend voire nous déçoit par son inaction, ça ne justifie pas certains choix artistiques comme la mise en scène (qui, avec le recul, est franchement molle) ou l’absence totale de « clichés » holmésiens auxquels nous sommes habitués et… qui déconcertent. Pas parce que, au bout d’un moment, c’est ce qu’on veut voir quand on regarde un Sherlock Holmes mais parce que sinon, il y a un moment, on S’EM-MER-DE royalement !
Et c’est là le principal problème avec ce film ! Il est bourré d’idées intéressantes mais le fait de tous les empiler les uns sur les autres sans aucune énergie finit par être lassant ! Surtout quand certaines scènes ont le potentiel d’être un peu « holmésiennes » mais que le réalisateur gâche tout en ne faisant rien de particulier (tenez : il y a une scène de filature à un moment donné QUI RÉUSSIT à faire passer Holmes pour un incapable de la filature tant il n’est pas discret !) à chaque fois. Du coup, on accouche d’une œuvre bancale bien malgré elle et c’est dommage.

Créée

le 20 oct. 2020

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